A 31 ans, ce peintre en bâtiment a émigré en Afrique du Sud pour trouver du travail il y a deux ans. La chute au Zimbabwe voisin du plus vieux dirigeant en exercice de la planète le réjouit, mais pas au point de boucler immédiatement ses valises pour rentrer au pays.
"On attend l'arrivée des investisseurs et un réveil économique", dit-il, "alors, dans trois, quatre ou cinq ans peut-être...". "Pour pouvoir retrouver du travail, nous avons besoin que le nouveau président réforme le pays", souligne-t-il.
Devant un magasin de construction, Ashely Shanx et ses compagnons guettent le passage des voitures, perceuses et scies circulaires au pied. Comme tous les jours, ils espèrent qu'un particulier voudra bien les recruter pour la journée.
Ces derniers temps, les employeurs se font rares et l'attente se prolonge. Mais aujourd'hui, l'humeur est plus légère.
Pour tuer le temps, un groupe de travailleurs zimbabwéens joue aux dames, les autres dégustent une bière fraîche ou dansent sur un morceau du chanteur zimbabwéen Jar Prayzah.
"Tu diriges d'une main de fer", s'intitule la chanson qui, explique Ashely, raconte "les injustices subies par le peuple sous le régime autocratique du président Robert Mugabe".
Depuis sa démission mardi, l'heure est à l'espoir.
"J'ai hâte de rentrer à la maison", s'enthousiasme ainsi Enock Makuvire, 28 ans, qui a laissé son épouse et ses enfants au pays.
'Mieux qu'au Zimbabwe'
En attendant que le climat économique s'améliore dans leur pays, ces exilés vont continuer à déboucher des éviers, ravaler des façades ou poser des carrelages de salles de bain pour quelques centaines de rands l'ouvrage (environ 10 euros).
Au Zimbabwe, ils étaient instituteurs, employés de banque ou commerçants. Avec la crise, "on a bien été forcés de quitter le pays et de s'adapter", explique Ashely, titulaire d'un diplôme de sciences politiques de l'université du Zimbabwe.
Un à trois millions de Zimbabwéens ont pris la direction de l'Afrique du Sud voisine ces dernières années.
Mais ils n'ont pas trouvé de l'autre côté de la frontière l'eldorado qu'ils espéraient. L'économie la plus industrialisée du continent tourne au ralenti et le chômage y bat des records (27%).
"Ce mois-ci, je n'ai travaillé que dix jours", déplore Ashely, "mais c'est toujours mieux qu'au Zimbabwe".
Dans le centre de Johannesburg, à la station routière de Braamfontein, cinq bus s'apprêtent à prendre la route pour Harare. Les Zimbabwéens s'y pressent les bras chargés de paquets. Peu d'entre eux monteront à bord.
"J'envoie juste des affaires et des provisions pour mes enfants", précise Muchaneta Chijakara, 43 ans.
Cette femme de ménage, mère de cinq enfants, a quitté son pays en 2003, en pleine campagne de répression contre les militants du principal parti d'opposition, le Mouvement pour un changement démocratique (MDC).
'Trop compliqué'
Même débarrassée de Robert Mugabe, elle reste prudente. "Je vais attendre un peu. Et l'année prochaine, je vais ramasser mes affaires et rentrer chez moi à Kwe Kwe (centre du Zimbabwe)".
"Je n'ai plus peur à présent", confie-t-elle, "je veux vivre avec mon mari et mes enfants dans la même maison, dans le même pays".
Un optimisme partagé de l'autre côté de la ville, à Randburg, une banlieue riche du nord de Johannesburg. Au bar le Sundowner, des Zimbabwéens aisés, majoritairement blancs, ont l'habitude de se retrouver autour d'une bière.
A 64 ans, Mike Odendaal, un ancien fermier, n'envisage pas son retour. Expulsé de son exploitation en 2010, il a depuis refait sa vie en Afrique du Sud où il dirige une entreprise de transport.
"Nous avons perdu notre maison, notre ferme. A mon âge, tout recommencer au Zimbabwe serait trop compliqué. Nous investirons dans notre pays, mais nous ne déménagerons pas".
Au début des années 2000, M. Mugabe a exproprié manu militari des milliers de fermiers blancs au profit de la majorité noire. Cette réforme a plongé toute l'économie dans la crise.
Habitué du même bar, Bernard Psawarayi, un Zimbabwéen noir de 42 ans, a anticipé la chute de Robert Mugabe. Et depuis un an, il tente de convaincre la diaspora de réinvestir au pays.
"Certains Zimbabwéens reviendront dès que le pays ira mieux", assure-t-il, "d'autres ont refait leur vie ailleurs mais tous souhaitent contribuer à la construction d'un nouveau Zimbabwe".
Avec AFP