"C'est un moment difficile pour la démocratie santoméenne", déclare à l'AFP François Louncény Fall, représentant spécial du Secrétaire général de l'ONU pour l'Afrique centrale, venu à Sao Tome fin janvier comme médiateur de la crise qui secoue ce pays à régime parlementaire, avant les élections prévues en octobre.
L'opposition "vit très mal le fait de ne plus être au pouvoir", analyse M. Fall. Car depuis la présidentielle de juillet 2016, l'Action démocratique indépendante, (ADI) de centre-droit possède les pouvoirs législatif comme exécutif: le Premier ministre Patrice Trovoada et le président Evaristo Carvalho sont tous deux issus de ses rangs.
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Pour les responsables des sociaux-démocrates du Mouvement de libération de São Tomé-et-Príncipe (MLSTP) et du Parti socio-démocrate PSD, qui forment la principale coalition d'opposition au Parlement, le pays risque tout simplement "de tomber dans une dictature".
"La démocratie santoméenne est malade", renchérit de son côté Anaclet Rolimi, secrétaire général du Parti travailliste santoméen (PTS), parti de l'opposition qui n'a pas de siège au Parlement mais des représentations municipales, pointant les tensions politique et institutionnelle.
Car l'opposition ne reconnaît pas les cinq juges de la nouvelle Cour constitutionnelle élus début 2018, alors que cette nouvelle institution est justement censée valider les résultats électoraux.
Elle conteste les modalités d'élection des juges à la majorité simple par le Parlement et les députés d'opposition ont en majorité boycotté leur désignation.
Dénonçant une institution "inconstitutionnelle", l'opposition accuse en outre les cinq juges élus d'être "proches de la majorité". L'ordre des avocats et le Conseil supérieur de la magistrature ne reconnaissent pas non plus cette cour.
- 'Bisbilles préélectorales' -
L'opposition se plaint aussi de manière récurrente depuis l'arrivée de l'ADI au pouvoir en 2014 au Parlement de ne pas avoir accès aux médias publics.
"Un séminaire pour discuter de l'accès aux médias publics par certains membres de l'opposition sera bientôt organisé", note M. Fall.
Le haut fonctionnaire onusien se veut rassurant: "Sao Tome reste un modèle de démocratie en Afrique centrale". "Il y a quand même l'alternance démocratique" depuis 1991 et la fin du parti unique, estime-t-il, rappelant que ces changements se sont toujours faits dans le calme, dans une région habituée aux coups d'État et prises de pouvoir par la force. Et d'appeler au "compromis", alors que le pays a déjà "connu des crises, souvent surmontées".
En juillet 2016, arrivé deuxième du premier tour, le président sortant, le socialiste du MLSTP et ex-premier président de Sao Tome (1975-1991), Manuel Pinto da Costa, 80 ans, a ainsi refusé de participer au deuxième tour et exigé l'annulation de l'ensemble du processus électoral pour cause de "fraudes".
La Commission électorale nationale (Cen) avait proclamé Evaristo Carvalho vainqueur dès le premier tour le 17 juillet, avec 50,1 % des voix, avant de se rétracter et de voir ces résultats provisoires modifiés par le tribunal électoral: 49,8% pour Carvalho contre 24,8% pour Manuel Pinto da Costa qui a finalement accepté le résultat.
Côté pouvoir, Lévy Nazare, secrétaire général de l'ADI, minimise ces tensions, qualifiées de "bisbilles préélectorales".
"L'opposition joue son rôle, à huit mois des législatives", ajoute M. Nazare dans un entretien à l'AFP. "Ils disent que Sao Tome est une dictature. C'est normal, c'est l'année des élections!"
Avec AFP