Thomas Bach n'a plus le choix, la crédibilité de l'institution qu'il dirige, et celle des JO, sont... en jeu.
Pour son opération, M. Bach peut s'appuyer sur l'arme nucléaire des "réanalyses". Mardi, le Comité international olympique (CIO) a annoncé 31 cas de dopage, issus de nouvelles analyses d'échantillons datant des JO-2008 de Pékin.
Dans une tribune au quotidien français Le Monde, mercredi, M. Bach enfonce le clou: "Des dizaines d'athlètes dopés (seront) vraisemblablement empêchés de participer aux jeux Olympiques de Rio de Janeiro", du 5 au 21 août.
Les résultats de réanalyses de 250 échantillons de Londres-2012 devraient également produire leur lot de cas positifs. "Les résultats provisoires devraient être connus d'ici une semaine", a précisé Richard Budgett, directeur médical du CIO, lors d'une conférence de presse téléphonique.
Pour le moment, aucun nom n'a filtré. On sait seulement que, concernant Pékin-2008, ils sont 31, représentant 12 pays et provenant de six sports. Seuls les sportifs incriminés ou les fédérations responsables peuvent rendre publiques les identités des coupables.
"Certains d'entre eux ont participé à la fois aux Jeux de Pékin et de Londres et pourraient se qualifier pour Rio", a cependant précisé M. Bach, lors de cette même conférence de presse téléphonique.
Le président du CIO a détaillé la procédure qui a conduit à ces nouveaux tests. "Nous avons commencé en août 2015 avec la sélection des athlètes et des sports qui devaient être ciblés. Et les tests ont commencé en mars." Quant aux échantillons B de Pékin-2008, ils seront analysés "début juin", si besoin, a-t-il ajouté.
Verdict dans un mois pour l'athlétisme russe
Dans les semaines qui viennent, à l'approche du grand rendez-vous brésilien, les forfaits purement diplomatiques devraient donc se multiplier, officiellement pour blessure, méforme ou insuffisance de résultats.
Le message du patron du CIO est très clair: l'instance veut mener à terme "sa politique de tolérance zéro".
Le trop-plein a été atteint avec les allégations concernant les Jeux d'hiver de Sotchi en 2014. Pour résumer, la Russie aurait tout simplement torpillé l'événement et dupé l'Agence mondiale antidopage (AMA) et le CIO, à coup de faux échantillons, de trafics des services secrets et de mensonges, selon les aveux de l'ancien patron du laboratoire antidopage de Moscou lui-même.
Le CIO a donc expressément demandé à l'AMA d'enquêter sur ce point.
"Si l'enquête devait confirmer la véracité de ces allégations, cela révélerait une nouvelle dimension choquante du dopage, assortie d'un degré de criminalité sans précédent", a insisté le patron de l'olympisme mondial, dans les colonnes du Monde.
La Russie à elle seule va bousculer le calendrier. Dans un mois, le 17 juin, la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF) se réunira à Vienne pour statuer sur la présence ou non de l'athlétisme russe à Rio, actuellement suspendu.
Or, l'athlétisme est le sport olympique N.1.
Là encore, le président du CIO met la pression: "Les résultats de l'enquête de l'AMA (sur Sotchi-2014) influenceront fortement la nature de la participation d'athlètes russes aux jeux Olympiques de Rio 2016. Si l'existence d'un système organisé contaminant d'autres sports était avérée, les fédérations internationales et le CIO devraient avoir une décision difficile à prendre, entre responsabilité collective et justice individuelle", a insisté M. Bach.
Fin de la présomption d'innocence ?
C'est une véritable révolution que propose de fait le président du CIO en matière de lutte contre le dopage. En envisageant la possibilité de sanctions collectives, à l'égard de fédérations entières, M. Bach glisse au passage l'éventualité de la fin de la "présomption d'innocence" pour les athlètes.
"Il faudrait considérer si dans le cas de telles fédérations +contaminées+ (...) la charge de la preuve ne pourrait peut-être pas être renversée", demande ainsi M. Bach dans sa tribune, en envisageant qu'il soit demandé aux athlètes eux-mêmes "de démontrer" qu'ils sont honnêtes.
Cela n'a pas manqué, déjà, de faire réagir les Russes.
"La responsabilité doit être personnalisée. Les sportifs +propres+, qui ont passé plusieurs années de leur vie à s'entraîner et à respecter toutes les règles et les règlements ne doivent pas" être privés de compétition, rétorque le ministère russe des Sports dans un communiqué.
La diplomatie sportive va devoir se montrer solide pour éviter que Rio ne rime avec fiasco.
Déjà, l'ancienne championne olympique russe de saut en longueur Tatiana Lebedeva, devenue sénatrice, accuse: "J'aimerais dire que ça n'a rien à voir avec la politique mais ce n'est pas le cas (...) C'est l'action du lobby anglo-saxon, ils voient que les sanctions (économiques) ne donnent pas les résultats espérés et ils commencent à nous attaquer là où nous sommes forts", a-t-elle déclaré à l'agence de presse russe Ria Novosti.
Thomas Bach a lui indiqué mercredi n'avoir "jamais eu de contact avec le Kremlin" sur ces questions.
Pendant ce temps, aux Etats-Unis, le New York Times a annoncé que la justice américaine avait ouvert une enquête sur le dopage étatique russe. "Je ne sais rien à ce sujet", a également réagi M. Bach.
Sans surprise, +l'opération mains propres+ promet d'être difficile. Mais le président du CIO reste "totalement confiant": "Les Jeux de Rio seront un succès".
Avec AFP