Visiblement très en colère, parfois submergé par l'émotion, le magistrat conservateur de 53 ans a estimé que son processus de confirmation était devenue "une honte nationale".
"Ma famille et ma réputation ont été détruites à jamais", a-t-il affirmé.
Dénonçant un "coup monté" politique, il a clamé son innocence avec véhémence et assuré qu'il ne se laisserait pas intimider.
"Personne ne me fera me retirer", a-t-il martelé.
Le juge joue gros à une époque marquée par une prise de conscience des dommages infligées aux femmes par les violences sexuelles. Le président Trump a fait savoir qu'il pourrait renoncer à son candidat et lui chercher un remplaçant si son accusatrice parvenait à le convaincre.
Celle-ci, Christine Blasey Ford, une universitaire de 51 ans, a témoigné juste avant le juge Kavanaugh devant la commission judiciaire du Sénat. Sûre d'elle à "100%" malgré sa voix tremblante, elle a alterné pendant trois heures et demi les confidences chargées d'émotion et l'analyse quasi-scientifique du traumatisme qu'elle allègue.
"Terrifiée" mais habitée par le sens du "devoir", elle est revenue avec une émotion difficilement contenue sur cette soirée d'été entre lycéens, qui a "radicalement" changé sa vie, à 15 ans seulement.
Selon elle, Brett Kavanaugh et son ami Mark Judge, "totalement ivres", l'ont isolée dans une chambre alors qu'elle se rendait aux toilettes. Après l'avoir poussée sur un lit, le futur juge s'est jetée sur elle, tentant de la déshabiller tout en la touchant partout sur le corps.
"Je croyais qu'il allait me violer", a-t-elle assuré.
"Le rire bruyant des garçons"
Lorsqu'elle a tenté de crier, Brett Kavanaugh a voulu l'en empêcher en plaçant sa main sur la bouche. "C'est ce qui a eu l'impact le plus durable sur ma vie", a-t-elle confié. "J'avais du mal à respirer et j'ai cru que Brett allait accidentellement me tuer".
Questionnée sur la possibilité qu'elle puisse se tromper d'agresseur, la professeure de l'université de Palo Alto en Californie, s'est dite "absolument" sûre qu'il s'agissait bien de Brett Kavanaugh. "A 100%".
Un autre souvenir restera "indélébile": "c'est le rire, le rire bruyant des deux" garçons.
Après une déclaration liminaire, Mme Blasey Ford a été interrogée par des sénateurs démocrates qui ont tous loué son "courage", "source d'inspiration" pour toutes les victimes de violences sexuelles.
"Je vous crois", a d'ores et déjà annoncé le sénateur Richard Blumenthal, en accusant le président Trump d'avoir voulu "étouffer" l'affaire en refusant que le FBI enquête sur ses allégations.
Les républicains, uniquement des hommes au sein de la commission, avaient eux délégué la tâche à une procureure spécialisée dans les affaires de violences sexuelles.
L'objectif était de ne pas reproduire l'effet désastreux d'une précédente audition, en 1991, où une accusatrice d'un précédent candidat à la Cour suprême n'avait été interrogée que par des hommes, sur un ton agressif.
"Gros problème"
Cette fois, la procureure, Rachel Mitchell, a multiplié les questions sur ses contacts avec les élus démocrates, sous-entendant qu'elle aurait pu être manipulée. Elle a également souligné les trous dans son récit.
A l'issue des premières quatre heures d'audience, le sénateur Lindsey Graham restait peu convaincu. "Ses accusations contre Brett Kavanaugh ne sont pas très corroborées. Je ne doute pas qu'il lui soit arrivé quelque chose, mais elle ne peut citer ni la maison, ni la ville, ni le mois".
L'ancien sénateur républicain Rick Santorum, un ultra-conservateur, a toutefois jugé qu'elle paraissait "sincère". "C'est un gros problème pour Brett Kavanaugh", a-t-il ajouté sur CNN.
Le juge Kavanaugh semblait il y a encore deux semaines en bonne voie d'obtenir le feu vert du Sénat pour faire son entrée au sein de la Cour suprême, chargée de vérifier la constitutionnalité des lois et d'arbitrer les questions de société les plus épineuses (droit à l'avortement, armes à feu, mariage homosexuel...).
Son image de conservateur, bon père de famille, a été sérieusement écornée par le témoignage de Mme Blasey Ford et de deux autres femmes sorties de l'ombre dans la foulée.
Une ancienne camarade du juge, Deborah Ramirez, 53 ans, l'a accusé dimanche d'avoir exhibé son sexe près de son visage lors d'une soirée arrosée à l'université de Yale.
Mercredi, Julie Swetnick, une fonctionnaire fédérale, a accusé Brett Kavanaugh et Mark Judge d'avoir lors de soirées arrosées "tenter de soûler et de désorienter les filles à un point qu'elles pouvaient être violées en réunion". Elle s'est dite elle-même victime d'un viol collectif, alors que les deux amis "étaient présents".
Avec AFP