L'aéroport, dont le hall des départs a été dévasté par un double attentat-suicide, est depuis jeudi "techniquement prêt" pour accueillir de nouveau des voyageurs dans un bâtiment provisoire, à 20% de sa capacité normale d'absorption des enregistrements, selon son exploitant Brussels Airport.
Mais un blocage subsiste. Par le biais de leurs syndicats, les policiers en fonction à Bruxelles-Zaventem réclament des contrôles de sécurité des passagers et de leurs bagages à l'entrée de l'aéroport. Ils menacent de faire grève si la revendication n'est pas satisfaite et des négociations se tenaient vendredi pour arracher un compromis.
L'argument de nombreux experts en sécurité contre de tels contrôles est repris par la direction de l'aéroport : cela ne ferait que déplacer les concentrations humaines, prisées des terroristes pour faire le maximum de victimes.
"Au lieu d'avoir une concentration dans un bâtiment large on l'aurait parmi les gens qui font la file à l'extérieur", fait valoir à l'AFP Florence Muls, porte-parole de Brussels Airport. "En Europe il n'y a pas d'aéroport qui applique ce type de mesures."
"Je ne pense pas qu'un seul gouvernement européen ou exploitant d'aéroport réfléchisse à cela", renchérit Anne-Marie Pellerin, consultante sur les questions de sécurité dans l'aérien. Elle a le souvenir de files d'attente prises pour cible dans des attentats-suicides en Israël car les lieux publics visés, café ou boîte de nuit, pratiquaient de tels "check-points".
- Réservations en berne -
Avec 260 entreprises intervenant dans ses murs, et 20.000 personnes qui y travaillent (tous ne sont pas au chômage technique depuis le 22 mars, selon Brussels Airport, qui ne donne pas de chiffre), l'aéroport de Bruxelles-Zaventem est un des principaux employeurs de Belgique. Il revendique le rang de "deuxième pôle de croissance économique" après le port d'Anvers, avec une contribution d'environ trois milliards d'euros au produit intérieur brut (PIB).
De quoi avoir envie de hâter sa réouverture, d'autant que certains acteurs économiques s'impatientent, reconnaît Mme Muls. "On a eu des marques de soutien mais aussi des questions, par exemple des offices du tourisme, qui comptent sur nous pour rétablir la situation", dit-elle.
Peu d'entreprises ont chiffré à ce stade leur manque à gagner hormis la compagnie aérienne Brussels Airlines (établie à Zaventem), qui l'évalue à cinq millions d'euros par jour. En dix jours c'est ainsi l'équivalent des bénéfices de 2015 (41,3 millions) qui s'est évaporé, "la plus grande crise" de son histoire.
Dans la région de Bruxelles, le taux d'occupation des hôtels a chuté de moitié depuis le 22 mars, selon un organisme professionnel. Entre la troisième semaine de mars (celle des attaques) et la dernière (tout juste écoulée), les réservations de transport pour de futurs séjours à Bruxelles ont également reculé de 50%, d'après l'office de tourisme de la capitale.
"On est dans la même configuration qu'après les attentats de Paris", tempère son PDG Patrick Bontinck, soulignant que les touristes sont également moins nombreux en France, à Berlin ou à Londres, par "crainte" du terrorisme. Cette moindre fréquentation n'est pas uniquement liée à la fermeture de l'aéroport, "25-30%" seulement des visites en dépendent, selon lui.
Mais pour les experts interrogés par l'AFP, peu importent les conséquences économiques, la fermeture prolongée du trafic voyageurs (celui du fret a repris dès la semaine dernière) démontre simplement que Brussels Airport a mis la sécurité en tête des priorités.
"Ils ne veulent pas agir dans la précipitation, se préparent forcément à l'éventualité d'un autre attentat et comment y répondre", souligne Mme Pellerin.
L'aéroport a subi d'importants dégâts matériels et la reconstruction complète prendra des mois, selon David Bentley, autre analyste spécialisé. "Souvenez-vous de la toiture effondrée à Paris-CDG (qui avait causé cinq morts en 2004, dans un terminal flambant neuf, NDLR), ils veulent être à 100% sûrs que quelque chose comme ça ne puisse pas survenir."
Avec AFP