L'Américain Mark Frerichs, enlevé en 2020 en Afghanistan, a été échangé contre Bashar Noorzaï, un chef de guerre proche des talibans emprisonné aux Etats-Unis pour trafic d'héroïne.
"Après de longues négociations, le citoyen américain Mark Frerichs a été remis à une délégation américaine et cette délégation nous a remis (Bashar Noorzaï) aujourd'hui (lundi) à l'aéroport de Kaboul", a indiqué le ministre afghan des Affaires étrangères, Amir Khan Muttaqi, lors d'une conférence de presse dans la capitale.
"Aujourd'hui, nous avons obtenu la libération de Mark Frerichs et il rentrera bientôt chez lui", a confirmé Joe Biden dans un communiqué. "La réussite des négociations ayant conduit à la libération de Mark a exigé des décisions difficiles, ce que je n'ai pas pris à la légère".
Décisions "difficiles"
Le président américain n'a pas précisé quelles décisions il avait dû prendre, mais un haut responsable américain a cité sous le couvert de l'anonymat la grâce accordée à Bashar Noorzaï, arrêté en 2005 et condamné en 2009 aux Etats-Unis à la prison à vie.
Ancien de l'US Navy, Mark Frerichs travaillait en tant qu'ingénieur civil sur des projets de construction en Afghanistan lorsqu'il a été pris en otage, selon le département d'Etat américain. Il se trouvait lundi à Doha dans un état de santé "stable", a précisé le haut responsable américain.
Le 31 janvier, Joe Biden avait demandé aux talibans de libérer "immédiatement" Mark Frerichs "avant de pouvoir espérer une quelconque prise en compte de leurs aspirations à la légitimité". "Ce n'est pas négociable", avait-il insisté à propos du nouveau gouvernement afghan, qui n'a été reconnu par aucun pays au monde.
Le prisonnier afghan libéré, Bashar Noorzaï, n'occupait aucune position officielle au sein des talibans, a précisé à l'AFP le porte-parole du gouvernement, Zabihullah Mujahid. Il a néanmoins "apporté un soutien important, y compris en armes", lors de l'émergence du mouvement islamiste dans les années 1990, a-t-il ajouté.
Proche collaborateur de feu le mollah Omar, fondateur mythique des talibans, Bashar Noorzaï a combattu l'occupation soviétique avec les forces moudjahidines soutenues par les Etats-Unis. Lors de son procès, les procureurs américains avaient déclaré qu'il dirigeait un "réseau mondial de stupéfiants" et qu'il avait soutenu le premier régime des talibans entre 1996 et 2001.
"Source de paix"
"Si l'EIA (Emirat islamique d'Afghanistan) n'avait pas montré sa forte détermination, je ne serais pas ici aujourd'hui", a déclaré aux journalistes Bashar Noorzaï lors de son arrivée à Kaboul. "Ma libération en échange d'un Américain sera une source de paix entre l'Afghanistan et les Américains", a-t-il ajouté.
Son retour a été célébré en fanfare par le régime taliban. Des photos postées sur les réseaux sociaux montrent des combattants talibans masqués lui mettant des colliers de fleurs autour du cou.
Bashar Noorzaï est le deuxième détenu afghan libéré par les Etats-Unis au cours des derniers mois. En juin, Assadullah Haroon Gul a été libéré après 15 ans de détention dans la prison de Guantanamo. M. Haroon avait croupi, sans chef d'inculpation, pendant des années dans le centre de détention américain de Cuba après avoir été arrêté en 2006 alors qu'il travaillait comme négociant en miel entre le Pakistan et l'Afghanistan.
La libération de Noorzaï marque le début d'un "nouveau chapitre" dans les relations entre l'Afghanistan et les Etats-Unis, a souligné le ministre des Affaires étrangères.
"Succès majeur"
Sa libération est un "succès majeur" pour les talibans, selon Hekmatullah Hekmat, analyste afghan spécialisé dans la sécurité, interrogé par l'AFP. "Les talibans peuvent dire à leurs fantassins et aux Afghans qu'ils sont capables de ramener leurs ressortissants détenus par des groupes d'opposition."
En août 2021, les talibans ont repris le pouvoir après 20 ans d'occupation du pays par les Etats-Unis et leurs alliés de l'Otan. La guerre a coûté la vie à plus de 2.400 soldats américains et à plus de 3.500 des autres pays de l'Otan, selon l'armée américaine. Des dizaines de milliers d'Afghans ont aussi péri.
Malgré la fierté des talibans d'avoir reconquis le pouvoir, le pays de 38 millions d'habitants doit faire face à l'une des pires crises humanitaires sur la planète, selon les Nations unies. La situation n'a fait qu'empirer quand les versements de milliards de dollars d'aide étrangère, qui ont soutenu l'économie afghane pendant des décennies, ont soudainement été interrompus lors du retrait des Etats-Unis. Quelque 7 milliards de dollars de réserves ont été gelés par Washington.