Le président sud-africain Jacob Zuma a mené une mission délicate cette semaine lors de sa visite officielle au Nigeria: renouer les liens considérablement dégradés ces dernières années entre les deux plus grandes puissances économiques du continent africain.
La compétition économique est le principal ressort de la tension des relations entre les deux géants africains. Et l'arrivée de l'inflexible Muhammadu Buhari à la tête de l'Etat d'Afrique de l'Ouest en mai dernier ne semble pas vraiment avoir changé la donne.
Mardi à Abuja, le président nigérian n'a pas hésité à revenir sur l'affaire MTN qui empoisonne les relations commerciales entre les deux nations depuis octobre.
Devant Jacob Zuma, il a lancé une violente charge contre le géant sud-africain des télécoms pénalisé d'une amende record de 3,9 milliards de dollars.
MTN a été sanctionné pour n'avoir pas respecté l'ordre du Nigeria de désactiver dans un délai d'une semaine toutes les cartes SIM anonymes, une mesure prise pour faire face à la rébellion islamiste de Boko Haram afin d'éviter que ses membres n'achètent une puce sans présenter de papiers d'identité.
"La priorité du gouvernement c'est la sécurité, pas l'amende infligée à MTN", a lancé M. Buhari regrettant "la lenteur" de l'opérateur qui a selon lui "joué contre" les victimes de Boko Haram.
Mais MTN n'est pas la seule entreprise sud-africaine dans la tourmente au Nigeria.
La chaîne d'hôtels Sun International est la cible d'une enquête de la brigade financière tandis que le diffuseur satellite Multichoice a dû réduire ses tarifs après avoir été accusé par les autorités d'abus de position dominante.
"Nous avons opéré dans de nombreux pays ces trente dernières années, mais les difficultés que nous rencontrons au Nigeria sont sans précédent," affirme Michael Farr, chef de la communication du groupe Sun qui assure "évaluer les différentes options" dans le pays, sans exclure un retrait.
D'autres ont déjà franchi le pas, le mois dernier, à l'image de Truworths, le fabricant de vêtements sud-africain qui a fermé ses quatre magasins au Nigeria.
"Nous avons fermé nos magasins car nous ne pouvions plus les approvisionner à cause des régulations au Nigeria", a assuré à l'AFP Michael Mark, le PDG de Truworths.
"Pas de guerre froide"
Devenu depuis avril 2014 la première puissance économique du continent grâce à une nouvelle méthode de calcul de son PIB, le Nigeria est davantage un concurrent qu'un partenaire pour l'Afrique du Sud.
120 entreprises sud-africaines sont implantées au Nigeria, qui n'est que le 7e partenaire économique de Pretoria sur le continent.
"Certains responsables sud-africains soupçonnent que leurs entreprises sont ciblées à cause de la jalousie des concurrents locaux. Mais beaucoup de Nigérians pensent que MTN a été négligent et arrogant", note Peter Fabricius, consultant pour l'Institut des Etudes de Sécurité (ISS), à Pretoria.
"Ce qui est arrivé à MTN pourrait arriver à n'importe quelle entreprise nigériane", balaye Muda Yussuf, directeur général de la Chambre de commerce et d'industrie de Lagos.
"Ce n'est pas leur intérêt de quitter le Nigeria juste parce que certains ont commis des infractions. Avec ses 180 millions d'habitants et son potentiel illimité d'opportunités, le Nigeria offre un très bon retour sur investissement", assure-t-il à l'AFP.
La visite de Jacob Zuma s'est donc inscrite dans une volonté de changement pour les deux pays qui vivent une période économique difficile. L'Afrique du Sud est minée par le ralentissement de la croissance chinoise et la chute du cours des matières premières, tandis que le Nigeria souffre de la baisse du cours du pétrole, dont il est le premier producteur africain.
A l'issue de sa visite, le président Zuma a ainsi annoncé que plus de 30 accords bilatéraux avaient été signés.
"La visite de Zuma montre qu'il n'y a pas de guerre froide entre l'Afrique du Sud et le Nigeria. Le Nigeria est un pays trop stratégique pour être ignoré", estime Sola Oni, analyste économique à Lagos.
AFP