Busisiwe Mkhwebane, une juriste indépendante chargée de contrôler notamment les agissements de l'exécutif, estime que l'enquête qu'elle a menée prouve que le président, qui a promis à maintes reprises d'éradiquer la corruption dans son pays, a trompé le Parlement de façon "délibérée", quand il a répondu à une question de l'opposition.
M. Ramaphosa avait d'abord affirmé que l'argent versé en 2017 était un paiement à son fils Andile pour un travail de consultant pour l'entreprise de services Bosasa, impliquée dans de nombreux contrats publics suspects.
Il a depuis reconnu qu'il s'agissait d'une donation à sa campagne pour la présidence de son parti, le Congrès national africain (ANC), une bataille intense qui lui a permis de vaincre le candidat choisi par l'ancien président Jacob Zuma.
M. Ramaphosa a vivement réagi au rapport de la médiatrice, jugeant "malheureux", dans un communiqué, que Mme Mkhwebane n'ait pas accordé à ses explications "l'attention qu'elles méritaient".
Il "réaffirme sa détermination et son engagement à lutter contre toutes les formes de corruption" et que "personne, quel que soit le poste qu'il occupe, n'est au-dessus des lois". Ses services ont indiqué qu'il allait étudier le rapport avant toute action.
Il a promis de rembourser les fonds de campagne.
Dans son rapport, publié vendredi, Mme Mkhwebane souligne que "même si le président Ramaphosa a justifié son erreur en affirmant avoir reçu des informations incomplètes ou erronées, il a bien trompé le Parlement".
Selon elle, le président "aurait dû se donner le temps nécessaire pour pouvoir s'informer et donner une réponse exacte" avant de répondre à la question posée par Mmusi Maimane, chef du principal parti d'opposition, l'Alliance démocratique (DA).
"Je juge donc que la conduite du président Ramaphosa (...) même si elle était de bonne foi, n'est pas à la hauteur de ses fonctions".
Mme Mkhwebane ajoute que la façon dont les fonds ont été déplacés d'un compte à l'autre avant de finir sur celui de la campagne de M. Ramaphosa exacerbe les soupçons de blanchiment d'argent.
Elle demande donc aux procureurs sud-africains d'ouvrir une enquête pour savoir si ces soupçons sont avérés. Elle donne par ailleurs 30 jours au speaker du Parlement pour demander au président Ramaphosa de rendre publics tous les dons qu'il a reçus pour sa campagne.
Réélu en mai, M. Ramaphosa avait fait de la lutte contre la corruption son principal cheval de bataille dans un pays marqué par les scandales de la présidence de son prédécesseur, Jacob Zuma.
Les conclusions du rapport sont "plus préjudiciables que prévu", estime Darias Jonker, du cabinet d'analyse Eurasia, basé à Londres.
"Ce rapport va renforcer les plans de la faction (pro-Zuma de l'ANC) pour neutraliser et destituer Ramaphosa, vu qu'ils sont menacés par sa campagne anticorruption", a-t-il expliqué.
L'ANC est profondément divisé entre partisans de l'ex-président Zuma et soutiens de son successeur Ramaphosa.
M. Jonker a cependant exclu que M. Ramaphosa risque des poursuites pénales ou une destitution par le Parlement "à court terme".
L'AD a demandé que le président Ramaphosa comparaisse devant une commission parlementaire spéciale. "Ce qui est clair, c'est que cette affaire va beaucoup plus loin qu'on ne le pensait initialement", a déclaré M. Maimane.