Le président de l'autorité électorale (Anie), Mohamed Charfi, a annoncé dimanche une victoire de M. Tebboune avec "94,65% des voix", mais n'a pas fourni de nouveaux chiffres sur la participation, estimée dans la nuit à "un taux moyen de 48,03%".
L'affluence aux urnes était le véritable enjeu du vote, M. Tebboune voulant être "un président normal, pas un président mal élu" comme il y a cinq ans, selon Hasni Abidi, analyste et directeur du Centre d'études Cermam à Genève.
En décembre 2019, M. Tebboune, 78 ans, avait remporté le scrutin présidentiel avec 58% des suffrages mais une participation de 39,83% (60% d'abstention). A l'époque, l'élection s'était déroulée dans le contexte tendu du Hirak, le mouvement massif pour la démocratie et les libertés qui venait de chasser du pouvoir son prédécesseur Abdelaziz Bouteflika, et par des appels au boycott.
Face au président sortant, seuls deux candidats étaient en lice: Abdelaali Hassani, un ingénieur de 57 ans, chef du Mouvement de la société pour la paix (MSP, principal parti islamiste) et Youcef Aouchiche, 41 ans, ex-journaliste et sénateur, à la tête du Front des forces socialistes (FFS, plus vieux parti d'opposition).
"Terme bizarre"
Après avoir annoncé un "taux moyen" inférieur de 7 points à celui de 2019 à 17H00 locales, l'Anie avait prolongé le vote d'une heure samedi jusqu'à 20H00 (19H00 GMT). La direction de campagne du candidat Hassani a dénoncé dimanche des "violations" et "un retour à des pratiques anciennes", avec des "pressions sur certains responsables de bureaux de vote pour gonfler les résultats", notamment la participation.
Le MSP a qualifié de "terme bizarre" le "taux moyen de participation" annoncé par l'Anie, faisant la moyenne des relevés des différentes régions alors que la participation est habituellement calculée en divisant le nombre d'électeurs par le nombre d'inscrits (24,5 millions au total).
Avant les résultats, Hassane Boudaoud, un commerçant de 52 ans, a dit souhaiter "un véritable changement dans la vie du citoyen", se disant "optimiste que le prochain président accordera une grande attention à nos préoccupations". Non loin de lui, Ibrahim Sendjak Eddine, travailleur journalier, a souligné que les Algériens "recherchent la stabilité, des opportunités d'emploi, du travail et des logements".
M. Tebboune était donné grand favori du scrutin, bénéficiant de l'appui de quatre formations majeures, notamment le Front de libération nationale (FLN, ex-parti unique). Les trois candidats ont dit vouloir poursuivre le redressement de l'économie (qui croit au rythme de 4% depuis deux ans) et la rendre moins dépendante des hydrocarbures (95% des recettes en devises).
"Déficit d'adhésion populaire"
Aidé par la manne du gaz naturel dont l'Algérie est le premier exportateur africain, M. Tebboune a promis de revaloriser retraites et salaires, 450.000 nouveaux emplois, des logements et de faire de l'Algérie "la deuxième économie en Afrique". Pour M. Abidi, la faible mobilisation est le résultat d'une "campagne médiocre" et des concurrents de M. Tebboune "pas à la hauteur". Les électeurs se sont dits "à quoi bon voter si tous les pronostics sont en faveur du président", selon l'expert.
Le président sort aisément vainqueur mais "c'est une victoire aux allures d'alerte", faute notamment d'avoir conquis l'électorat des jeunes qui représentent plus de la moitié des 45 millions des Algériens et un tiers de l'électorat, a-t-il ajouté. M. Tebboune "survivra à un déficit d'adhésion populaire mais à condition de revoir entièrement sa méthode de gouvernance et d'opérer des changements dans son équipe", a estimé M. Abidi. A défaut, le "déficit de démocratie" dans son bilan pourrait constituer un handicap dans son nouveau mandat, a ajouté l'analyste.
Si M. Tebboune n'a pas évoqué ce dossier, ses rivaux avaient promis pendant leur campagne davantage de droits et libertés. Notamment le candidat du FFS qui s'était engagé à "libérer les prisonniers d'opinion via une amnistie et à réexaminer les lois injustes" sur le terrorisme ou les médias.
L'ONG Amnesty International a accusé le pouvoir de continuer à "étouffer l'espace civique en maintenant une répression sévère des droits humains", avec des "arrestations arbitraires" et "une tolérance zéro des voix dissidentes". Selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD, algérien), des dizaines de personnes liées au Hirak ou à la défense des libertés sont encore emprisonnées ou poursuivies.
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