Depuis la tentative de putsch, plus de 100.000 personnes ont été limogées par des décrets-lois en vertu de l'état d'urgence instauré depuis juillet.
Dans son rapport intitulé "Pas de fin en vue", l'organisation Amnesty International dénonce notamment le fait que les personnes concernées ne reçoivent aucune explication individuelle, les licenciements collectifs étant "effectués arbitrairement sur la base de motifs vagues et généralisés de +liens avec des organisations terroristes+".
"Les administrations publiques pertinentes n'ont fourni aucune justification individualisée pour les renvois et les personnes licenciées ont été incapables d'en obtenir", affirme le rapport.
De plus, l'ONG dénonce des mesures qui visent plus largement tant des syndicalistes, que des militants politiques ou des journalistes. Cela "augmente les craintes que beaucoup de ces renvois sont arbitraires, injustes et/ou politiquement motivés".
Face aux critiques, les autorités turques nient toute chasse aux sorcières et affirment que ces mesures d'exception sont nécessaires pour nettoyer les institutions des éléments factieux.
Ankara impute le putsch manqué au prédicateur islamiste Fethullah Gülen, installé aux Etats-Unis et accusé d'être à la tête d'une "organisation terroriste" ayant infiltré les institutions pour construire un "Etat parallèle". Des accusations fermement niées par M. Gülen.
Selon Amnesty, 33.000 enseignants et employés du ministère de l'Education ont notamment été limogés, 24.000 policiers et employés du ministère de l'Intérieur, 8.000 membres de l'armée, 5.000 universitaires et employés de l'éducation supérieure, et quelque 4.000 juges, procureurs, et autres membres du ministère de la Justice.
Pour établir son rapport, Amnesty a interrogé 61 personnes, dont 33 fonctionnaires limogés, des avocats, des syndicats et les autorités turques.
Au-delà des licenciements eux-mêmes, Amnesty déplore les difficultés rencontrées par les personnes limogées pour retrouver un emploi ainsi que l'annulation de leurs passeports.
"Certaines de ces mesures, comme l'exclusion totale du service public et l'annulation systématique des passeports, violeraient les droits même dans le cas où le limogeage serait justifié", déplore le rapport.
Le gouvernement a mis en place une commission chargée d'examiner les cas de ceux qui estiment avoir été mis en cause à tort par des décrets-lois pris sous l'état d'urgence.
Mais l'ONG dénonce le manque de moyens de cette structure et appelle Ankara à mettre en place "un mécanisme d'appel réellement indépendant, impartial, transparent et efficace".
L'état d'urgence, déjà prolongé à trois reprises, arrive à échéance le 19 juillet, mais M. Erdogan a annoncé dimanche qu'il resterait en vigueur jusqu'à ce qu'il y ait "la paix et la prospérité".
En plus des personnes limogées, plus de 47.000 autres ont été incarcérées et des centaines d'associations fermées.
Avec AFP