Amnesty International a accusé vendredi l'Ethiopie d'avoir arbitrairement arrêté des dizaines de Tigréens ces dernières semaines, alors que les rebelles qui combattent le gouvernement fédéral au Tigré ont repris le contrôle d'une grande partie de cette région en guerre depuis huit mois.
Parmi les détenus se trouvent des militants et des journalistes, dont certains ont été frappés et transportés à des centaines de kilomètres de la capitale, affirme Amnesty dans un communiqué.
Beaucoup ont disparu et le nombre total de détenus pourrait se chiffrer en centaines, ajoute l'ONG.
Le Tigré est en proie depuis huit mois à un conflit dévastateur, qui a connu un tournant majeur fin juin avec la reprise par les forces rebelles opposées au gouvernement fédéral d'une grande partie du territoire de cette région du nord de l'Ethiopie, poussant le gouvernement à déclarer un cessez-le-feu unilatéral.
Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, prix Nobel de la Paix en 2019, avait envoyé l'armée fédérale au Tigré en novembre dernier pour destituer les autorités régionales, issues du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF).
Selon lui, cette opération répondait à des attaques contre des camps de l'armée fédérale ordonnées par le TPLF, parti qui a dominé le pouvoir éthiopien pendant trois décennies.
M. Abiy a proclamé la victoire fin novembre après la prise de la capitale régionale Mekele. Mais les combats ont continué. Le 28 juin, les forces rebelles pro-TPLF ont repris Mekele, puis une grande partie du Tigré les jours suivants.
C'est alors que les arrestations ont commencé, selon Amnesty.
"D'anciens détenus nous ont raconté que les commissariats sont remplis de gens qui parlent tigrinya (la langue tigréenne, ndlr) et que les autorités ont mené des arrestations de masse de Tigréens", a déclaré Deprose Muchena, directeur de l'ONG pour l'Afrique australe et orientale.
Ces arrestations devraient cesser et les détenus devraient être au plus vite poursuivis sur des charges reconnues ou bien être relâchés, ajoute-t-il.
Par le passé, le gouvernement a nié procéder à des arrestations à caractère ethnique.
La police fédérale et l'avocat général de l'Ethiopie n'ont pas répondu immédiatement aux demandes de commentaires de l'AFP.
L'avocat d'un des détenus, depuis libéré sous caution, a affirmé à Amnesty que son client avait été accusé de liens avec le TPLF, aujourd'hui classé comme organisation terroriste.
Jeudi, la Commission éthiopienne des droits humains, un organisme indépendant mais rattaché au gouvernement, a affirmé travailler sur des dossiers d'arrestations arbitraires, de fermetures d'entreprises et sur d'autres "types de harcèlement visant les personnes d'ethnicité tigréenne".
La Commission ainsi que des organisations de défense des droits s'étaient déjà inquiétés de vague d'arrestations similaires au début de la guerre.