Selon l'ONG, 55% de la population carcérale de la grande île de l'océan Indien, soit quelque 11.000 personnes, attendaient toujours d'être jugés en octobre 2018, bien que nombre d'entre elles ne soient confrontées qu'à des accusations de crimes mineurs.
"Les conditions misérables dans lesquelles les personnes en détention préventive sont maintenues constituent clairement un traitement cruel, inhumain et dégradant", peut-on lire dans le rapport intitulé "Puni pour être pauvre" et qui se fonde sur des visites effectuées dans neuf établissements pénitentiaires.
Le président par intérim de Madagascar, Rivo Rakotovao, a jugé le constat d'Amnesty "triste et inacceptable". Mais "les juges n'ont pas toujours le choix lorsqu'ils mettent une personne en prison pour éviter une vindicte populaire" et "nos prisons sont déjà dépassées par le temps en termes de capacité et de qualité", a-t-il ajouté dans un communiqué.
Selon lui, "personne n'a pensé à investir dans la détention depuis l'indépendance" et "maintenant, il faut améliorer les choses et ne pas attendre les bailleurs de fonds" pour cela.
Pour Deprose Muchena, directeur du bureau régional pour l'Afrique australe d'Amnesty International, "à cause d’une succession de dysfonctionnements dans la chaîne pénale malgache, des personnes souffrent en prison pendant des années avant d’être traduites en justice. Dans les établissements pénitentiaires que nous avons visités, un grand nombre de détenus incarcérés depuis longtemps sans avoir été jugés étaient poursuivis pour des infractions mineures et non violentes. Un homme inculpé pour vol de bétail était maintenu en détention depuis trois ans et demi", ajoute-t-il.
Dans certains cas, des enfants partagent leur cellule avec des criminels. Les détenus les plus pauvres, qui ont le moins accès à une aide judiciaire, sont ceux qui souffrent le plus de leur incarcération, en particulier les femmes et les enfants.
Amnesty International constate aussi que les détenus se retrouvent souvent en détention préventive prolongée pour des infractions mineures, telles que le vol de poulets, de téléphones portables, ou la contrefaçon
"Nous sommes 42 à dormir dans la même cellule, mais il n’y a pas de place. Je dors par terre. Beaucoup de gens tombent malades. Certains toussent, certains tremblent, certains attrapent très froid. Et les gens se battent pour la nourriture, car il n’y en a pas assez [...] Je veux vraiment passer en jugement, car je souffre beaucoup", témoigne un prisonnier.
La tuberculose est l’une des principales causes de décès des détenus à Madagascar.
D’après les détenus, les rations de nourriture sont trop légères. Une détenue a même déclaré que la portion correspondant à un repas pouvait tenir dans la paume de sa main.
D’après le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), près d’un détenu sur deux souffre de malnutrition modérée ou sévère à Madagascar. En 2015, l’organisation avait fait état de 27 décès dus à la malnutrition dans les établissements pénitentiaires.
"Personne ne devrait être incarcéré au péril de sa vie dans les conditions que nous avons observées dans les prisons malgaches, à plus forte raison avant le rendu d'un jugement (...) Mettre un terme au recours abusif à la détention préventive pourrait aider à réduire la surpopulation qui rend les conditions si épouvantables dans les établissements pénitentiaires de Madagascar", conclut Deprose Muchena.
Madagascar dépend fortement de l'aide internationale, et la grande majorité de la population vit dans une extrême pauvreté.
Avec AFP