Créée en décembre 1961 et détenue à 80% par l'État congolais et à 20% par Sibeka, société de droit belge, cette entreprise publique installée à Mbuji-Mayi, dans la province du Kasaï-oriental (centre) peut se targuer d'avoir été l'"une des grandes sociétés contributrices à l'économie nationale".
Surnommée "capitale du diamant" congolais, Mbuji-Mayi, ville construite par la Miba, a perdu de son éclat d'autrefois, à mesure que baissaient inexorablement les activités de l'entreprise, minée par la mauvaise gestion, le délabrement de ses installations, les détournements et le pillage des ressources, notamment durant les guerres du Congo entre 1997 et 2003.
Criblée de dettes et touchée par la chute des cours lors de la crise financière de 2008, la Miba est restée à l'arrêt total entre novembre de cette année-là et début 2011.
Elle ne produisait plus que 500.000 carats en 2008 et moitié moins en reprenant en 2011, contre environ 6 millions annuels en moyenne au début des années 2000, essentiellement des diamants industriels.
Dans les années 1980, elle faisait vivre 40.000 personnes, employés et familles. Aujourd'hui, les salaires accusent plusieurs mois d'arriérés, d'après des témoignages anonymes des membres du personnel recueillis début mai par l'AFP.
"Services rendus"
"Quand la société tournait encore, il y avait un service d'entretien des routes et des maisons. Quand les tôles étaient rouillées, on les remplaçait automatiquement", se souvient avec regret Mpoy Bilenga, debout devant son logement - propriété de la Miba - dégradé.
Ancien conducteur de véhicule de transport de minerais, M. Bilenga dit attendre, depuis sa retraite en 2012, le versement de sa pension "pour les services rendus". Mais à 70 ans, il n'est sûr de rien: "plusieurs d'entre nous sont décédés sans avoir touché leur pension".
En mai 2020, un audit gouvernemental a relevé "d'importants dysfonctionnements" à la Miba et le chef de l’Etat Félix Tshisekedi avait limogé le conseil d'administration dans la foulée.
Lui-même originaire du Kasaï, il avait ensuite fait "débloquer cinq millions de dollars" pour "remettre à flot cette société qui constituait, hier encore, la fierté de toute la nation".
Depuis, "l'exploitation a repris en vue de la relance", déclare à l'AFP Raphaël Mukadi Tshindundu, directeur technique de la Miba. Mais cette somme "n'est pas suffisante".
"La mine est opérationnelle, l'exploitation est en cours, mais à un niveau minimum", explique-t-il.
Sur les cinq millions reçus, trois ont servi "à la réhabilitation de l'usine de traitement de diamant de Disele" et à "l'achat d'une usine complète et neuve de traitement de diamant d'une capacité de 200 tonnes par heure", détaille le directeur technique.
De fabrication chinoise, cette nouvelle usine attend encore dans des conteneurs d'être installée.
Police partout
Sur les 13 "massifs" que compte le "polygone" (zone des gisements) de 45.000 km2 de la Miba, l’exploitation n'a repris que dans le massif 1.
"C'est un massif qui peut avoir facilement plus de 40 millions de carats" de diamant, et qui "représente 78% des réserves" de roche diamantifère kimberlite de la Miba, selon Joseph Kazadi, chef de l'exploitation de l'entreprise.
Les minerais extraits sont transportés à Disele, à une dizaine de minutes de route argileuse. Ici, "on réduit tous les produits à 150 mm à l'aide d'un débourbeur, un crible vibrant enlève la boue et le sable (...) après, on sépare le diamant d'avec ses accompagnateurs naturels", explique M. Mukadi.
D'une capacité de 50 tonnes par heure, l'usine de Disele, déjà réhabilitée en 1996, "tourne 24h/24, on a besoin de l'énergie électrique en permanence", dit-il, regardant le minerai sur un tapis métallique roulant vers le lieu du nettoyage.
Les pierres nettoyées sont acheminées au "bureau de classement du diamant" où elles sont triées. Situé dans un banal conteneur, l'endroit est l'un des plus surveillés du pays.
A l'entrée et à la sortie, tout le monde - agents, cadres ou ouvriers - passe sous un portique et est fouillé par des agents de sécurité. On doit entrer les mains vides, sans sac ni téléphone.
Dans le silence, une dizaine d'employés, courbés sur leur comptoir, trient les pierres.
Dans la région, la "reprise" des activités de la Miba est loin d'être ressentie par les habitants de Mbuji-Mayi.
"Si les activités de la Miba avaient effectivement repris, nous allions le ressentir, la vie allait reprendre, l'argent allait circuler", observe Alphonse Ilunga, acheteur de diamant rencontré à Lupatapata, grand centre d'exploitation artisanale de diamant, à 17 km de Mbuji-Mayi.
Épouse d'un ouvrier de la Miba, Régine Kanyeba ne demande qu'une chose : "Qu'on paie aux travailleurs leurs salaires" à la fin du mois pour "nous permettre de prendre en charge les frais scolaires de nos enfants".