Avec cette décision rendue mercredi, "le tribunal américain (...) s'est ingéré dans les affaires internes de la Turquie d'une façon sans précédent", a affirmé le ministère turc des Affaires étrangères dans un communiqué.
Mehmet Hakan Atilla, 47 ans, ex-directeur général adjoint de la banque publique turque Halkbank, a été condamné mercredi à New York pour fraude bancaire et conspiration dans une affaire impliquant des milliards de dollars.
L'homme d'affaires turco-iranien Reza Zarrab, 34 ans, au centre de ce procès explosif, a témoigné contre M. Atilla et impliqué le président turc Recep Tayyip Erdogan et des ministres du gouvernement turc.
Ankara a régulièrement rejeté toutes les accusations portées dans ce procès, le qualifiant de "complot" manigancé par le prédicateur Fethullah Gülen, qui vit aux Etats-Unis et qui est accusé par Ankara d'avoir fomenté le putsch manqué du 15 juillet 2016.
La décision "injuste" prise mercredi par le tribunal de New York se fonde sur "de soit-disant +preuves+ fausses et susceptibles d'être politiquement exploitées", ajoute le communiqué turc, appelant à ce que le tribunal revienne sur cette décision, "une honte pour la justice".
Le porte-parole du président turc, Ibrahim Kalin, a un peu plus tard dénoncé une "décision scandaleuse dans un procès scandaleux".
Qualifiant le procès de "complot politique", le vice-Premier ministre Bekir Bozdag a lui fustigé dans une série de tweets une décision "contraire au droit international" qui n'a "aucune valeur judiciaire du point de vue de la Turquie".
Ce procès "est la preuve tangible de la coopération entre FETO (l'acronyme utilisé par Ankara pour désigner les réseaux dirigés M. Gülen, ndlr), la justice américaine, le FBI et la CIA", a-t-il ajouté.
'Chantage'
L'affaire repose en grande partie sur le témoignage de Reza Zarrab, qui a plaidé coupable et accepté de coopérer avec la justice américaine en octobre, au grand dam du gouvernement turc qui avait tout fait pour décrédibiliser ce déballage.
Au cours de plus de trois semaines d'audiences suivies avec passion en Turquie, M. Zarrab a décrit en détail la mise en place, à partir de 2012, d'un juteux trafic entre l'Iran, la Turquie et Dubaï qui lui aurait rapporté, de son propre aveu, quelque 150 millions de dollars.
Cette affaire a contribué à tendre des relations déjà orageuses entre Washington et Ankara depuis le putsch manqué, les deux alliés au sein de l'Otan s'opposant sur de nombreux dossiers, dont l'extradition de M. Gülen, le soutien américain à des milices kurdes en Syrie considérées comme terroristes par la Turquie, et, plus récemment, la reconnaissance par les Etats-Unis de Jérusalem comme capitale d'Israël.
La sentence de Mehmet Hakan Atilla sera fixée le 11 avril, selon le communiqué du procureur.
Entre-temps, le Trésor américain peut imposer des amendes ou sanctions à Halkbank, ce qui pourrait avoir un impact fort sur l'ensemble de l'économie turque.
"Les autorités turques pourraient soutenir entre-temps le secteur bancaire avec tous les accessoires nécessaires", estime Anthony Skinner, du cabinet international Verisk Maplecroft. "Il est important de noter que le gouvernement turc dispose d'une capacité de feu budgétaire considérable pour traverser une période de turbulences aiguës".
Pour M. Skinner, M. Erdogan argumentera probablement que de telles amendes sont "un moyen de chantage ou d'extorsion par les Etats-Unis et le mouvement Gülen, en particulier visant à faire couler l'économie et à saper sa domination".
Halkbank s'est défendue jeudi dans un communiqué, affirmant n'avoir "pas été partie dans cette affaire et aucune décision administrative ou financière n'a été prise par le tribunal contre notre banque".
Avec AFP