Elles laissent aussi aux annonceurs peu d'alternatives pour placer leurs publicités. Les plaignants reprochent particulièrement à Facebook les rachats de l'application Instagram, en 2012 pour 1 milliard de dollars, et de la messagerie WhatsApp, en 2014 pour 22 milliards de dollars. Mais ils s'en prennent aussi aux conditions imposées par Facebook aux développeurs de logiciels.
La FTC demande en conséquence à la justice d'éventuellement forcer Facebook à revendre Instagram et WhatsApp. L'agence veut également que le groupe de Mark Zuckerberg cesse de contraindre les développeurs à accepter certaines conditions et lui demande son feu vert pour toute opération de rachat.
Les procureurs réclament pour leur part d'être prévenus de toute acquisition supérieure à 10 millions de dollars. Ils appellent aussi la justice à éventuellement contraindre Facebook à se séparer de certaines filiales ou d'activités.
Écraser les menaces potentielles
"En utilisant les vastes ressources à sa disposition en termes de données et d'argent, Facebook a écrasé ou entravé ce que l'entreprise considérait comme des menaces potentielles", a justifié la procureure générale de l'Etat de New York, Letitia James, lors d'une conférence de presse.
Ce faisant, le groupe "réduit les choix des consommateurs, étouffe l'innovation, dégrade la protection de la vie privée de millions d'Américains", a-t-elle estimé.
Or plus de la moitié des Américains se connectent à Facebook chaque jour, a rappelé Mme James. Et pendant qu'ils passent du temps à échanger sur le réseau social, "Facebook passe son temps à surveiller les utilisateurs et leurs informations personnelles et à en profiter."
"Aucune entreprise ne devrait avoir un tel pouvoir sur nos informations personnelles et nos interactions sociales sans contrôle", a asséné la procureure.
Des accusations anticoncurrentielles de même ordre avaient été lancées à la fin des années 1990 contre le groupe informatique Microsoft. Après près de trois ans de procédure, le ministère de la Justice n'était toutefois pas parvenu à démanteler la firme.
Pour les analystes de Baird, il est "très peu probable" que les plaignants parviennent à leurs fins.
Au moment des rachats d'Instagram et WhatsApp, Facebook était loin d'être dans une position de monopole et fait encore face aujourd'hui à une concurrence notable, font-ils valoir dans une note.
De Twitter à YouTube en passant par TikTok, Snapchat, WeChat, Triller, Discord ou Reddit, il existe de fait plusieurs autres réseaux sociaux d'ampleur.
Et si Instagram et WhatsApp sont devenus aussi importants, c'est en grande partie grâce aux technologies développées par Facebook, ajoutent les analystes de Baird.
Mercredi, le réseau social a dénoncé une "histoire révisionniste" et a promis de se défendre "vigoureusement". D'autant, fait valoir la société, que les acquisitions mises en cause ont bien reçu le feu vert des autorités de la concurrence avant leur finalisation.
"Prédateur sans vergogne"
Les particuliers et les entreprises ne choisissent pas d'utiliser Facebook "parce qu'ils le doivent" mais "parce que nos applications et nos services offrent le plus de valeur", a mis en avant Jennifer Newstead, responsable juridique chez Facebook.
Pour Christopher Sagers, professeur de droit à l'université publique de Cleveland, les plaintes présentées mercredi sont "importantes et ambitieuses".
Si le groupe a bien été critiqué pour avoir mal protégé les données de ses utilisateurs, il a longtemps bénéficié d'une certaine clémence quant à ses pratiques anticoncurrentielles alors même qu'il "s'est comporté comme un prédateur sans vergogne et cherchant à exclure dans tous les secteurs dans lesquels il a été impliqué", estime-t-il.
Les procédures sont aussi intéressantes car elles visent des acquisitions d'entreprises qui n'entraient pas en concurrence directe avec Facebook.
Les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) sont d'une façon générale dans le collimateur des autorités américaines, qui les soupçonnent de profiter de leur position dominante pour écraser leurs compétiteurs.
Le ministère de la Justice et onze Etats ont ainsi lancé une procédure mi-octobre contre Google, accusant le groupe d'abuser d'une quasi-hégémonie avec son moteur de recherche.