Après ces violences survenues à la veille d'une reprise des négociations entre pouvoir militaire et contestation pour finaliser un accord sur la transition, les autorités ont imposé un couvre-feu nocturne dans la ville d'Al-Obeid et trois autres localités de l'Etat du Kordofan-Nord (centre).
Pays pauvre à l'économie exsangue, le Soudan est en proie à un mouvement de contestation depuis décembre 2018. Déclenchées après le triplement du prix du pain, les manifestations se sont transformées en opposition au régime qui a poussé l'armée à destituer et arrêter le 11 avril le président Omar el-Béchir après 30 ans au pouvoir.
Elles se sont poursuivies après la mise en place d'un Conseil militaire lui ayant succédé, pour réclamer un pouvoir civil et de meilleures conditions de vie.
Lundi à Al-Obeid, "cinq martyrs sont tombés sous les tirs de snipers lors d'un rassemblement pacifique", a indiqué un comité de médecins proche du mouvement de contestation, faisant état d'un nombre indéterminé de blessés.
Selon Babikir Faisal, un leader de la contestation, "quatre lycéens font partie des cinq martyrs". Des habitants et un journaliste de la ville d'Al-Obeid ont confirmé ces informations.
La ville n'a pas connu de manifestations importantes depuis le début de la contestation.
Mais un résident joint au téléphone par l'AFP a expliqué que le rassemblement de lundi avait été organisé pour protester contre "une pénurie de pain et de carburant dans la ville ces derniers jours".
"Les écoliers ont été affectés, en l'absence de transports pour les conduire à l'école", a-t-il souligné. "Aujourd'hui ils ont manifesté et quand leur marche a atteint le centre-ville il y a eu des coups de feu".
L'Association des professionnels soudanais (SPA), l'un des principaux membres de la contestation, a dénoncé un "massacre" et appelé à de nouvelles manifestations.
"Nous appelons notre peuple à descendre dans la rue (...) pour dénoncer le massacre d'Al-Obeid et exiger que les coupables soient traduits en justice", a-t-elle dit dans un communiqué.
Peu après, de nombreux manifestants se sont réunis à Bahari, quartier du nord de Khartoum, ont rapporté des témoins.
La SPA a affirmé que des "balles réelles" avaient été tirées contre ce qu'elle a présenté comme une "manifestation d'écoliers".
L'association a aussi appelé sur sa page Facebook "citoyens, médecins et secouristes à se rendre aux urgences dans les hôpitaux qui reçoivent les blessés atteints de balles réelles".
- Appel à suspendre le dialogue -
Un leader de la contestation a aussi appelé à suspendre les discussions politiques entre pouvoir et contestation.
"Nous ne pouvons pas nous assoir à la table des négociations avec ceux qui permettent de tuer des révolutionnaires", a affirmé dans un communiqué Siddig Youssef.
Mardi, le Conseil militaire et les chefs de la contestation doivent reprendre les négociations pour finaliser certains points en suspens après la conclusion d'un accord de partage du pouvoir le 17 juillet.
Cet accord, obtenu après de difficiles négociations, prévoit un Conseil souverain composé de cinq militaires et six civils qui sera chargé de mener la transition pendant un peu plus de trois ans.
Un comité technique représentant les deux parties doit tenir des discussions préliminaires lundi.
L'appel à de nouveaux rassemblements émis lundi intervient alors que plusieurs manifestations ont eu lieu depuis samedi à Khartoum pour protester contre les conclusions d'une enquête officielle sur la répression meurtrière d'un sit-in de manifestants le 3 juin dans la capitale soudanaise, qui a fait des dizaines de morts.
Cette enquête a conclu samedi à l'implication de huit paramilitaires dont trois au moins sont membres des redoutées Forces de soutien rapide (RSF) dirigées par le numéro deux du Conseil militaire, Mohammed Hamdan Daglo, qui avait auparavant nié toute responsabilité de ses forces.
Selon un comité de médecins proche des protestataires, 127 manifestants ont péri le 3 juin.
Les chefs de la contestation ont rejeté les conclusions de l'enquête, qui évoque un bilan des victimes moins élevé que le leur et exonère la responsabilité du Conseil militaire qui a affirmé n'avoir pas donné les ordres pour la dispersion.
Depuis décembre, la répression de la contestation a fait 246 morts, y compris les 127 manifestants tués le 3 juin, selon le même comité de médecins.