Mnangagwa, 78 ans, dirige le Zimbabwe depuis novembre 2017, quelques jours après la démission contrainte de Mugabe par un coup d'État militaire. Huit mois plus tard, il remportait des élections vivement contestées par l'opposition.
Les prochaines ne sont prévues que dans deux ans mais il a déjà commencé à bricoler la constitution, pour à la fois asseoir son pouvoir et désarmer ses opposants.
Il y a quelques semaines, il a approuvé un amendement constitutionnel qui lui donne le pouvoir de choisir les juges et de prolonger le mandat de hauts magistrats, y compris au-delà de l'âge de la retraite.
L'opposition s'inquiète de ces changements qui donnent au président des pouvoirs excessifs.
Cette modification de la Constitution "est manifeste dans son intention de consolider la position du président avant les élections de 2023", a déclaré le Forum des ONG des droits de l'Homme du Zimbabwe dans un communiqué.
C'est "le coup le plus mortel porté au constitutionnalisme", a déploré Dzikamai Bere, directeur de l'Association des droits de l'homme du Zimbabwe.
Quelques jours après l'adoption de l'amendement, Mnangangwa a prolongé de cinq ans le mandat du juge en chef Luke Malaba, largement considéré comme son allié, alors qu'il devait partir en retraite à 70 ans.
Une association d'avocats a contesté, avec succès, le renouvellement de son mandat, rassurant sur la force des institutions et de la société civile pour limiter la mainmise complète du pouvoir.
Le camp présidentiel n'a pas caché sa rage, le ministre de la Justice Ziyambi Ziyambi allant même jusqu'à menacer de "frapper l'ennemi dans l'œil", affirmant que les tribunaux étaient manipulés par des forces étrangères.
- "Un vrai bazar" -
Succédant à Mugabe, Mnangagwa faisait miroiter une "nouvelle démocratie en marche", promettant de s'écarter du style autoritaire de l'ancien héros de l'indépendance, qui a dirigé le pays pendant 37 ans.
Mais pour ses détracteurs, l'ancien vice-président n'a pas fait mieux que son ex-patron, cherchant à consolider un État à parti unique en affaiblissant le principal parti d'opposition, le MDC.
Pour museler davantage l'opposition, le gouvernement a concocté un projet de "loi patriotique" pour interdire à tout Zimbabwéen de "communiquer délibérément des messages destinés à nuire à l'image et à la réputation du pays".
S'il est adopté, ce texte permettra au gouvernement de s'immiscer dans les communications privées entre citoyens et représentants de gouvernements étrangers.
"Ensemble, l'amendement constitutionnel et le projet de loi +patriotique+ constituent un grand recul en termes de démocratie", juge Eldred Masunungure, politologue à l'Université du Zimbabwe.
Selon lui, ces deux textes "animés de pulsions autoritaires, sont réellement conçus pour concentrer le pouvoir entre les mains du président".
"C'est un grand bazar", dit-il. "Le patriotisme ça ne se légifère pas. Il s'agit simplement de museler les critiques".
Au MDC, le responsable des affaires juridiques Kucaca Phulu a affirmé que les textes "sont conçus pour ancrer un exécutif impérial" sans contrôles suffisants.
Mais pour l'analyste politique Alexander Rusero, Mnangagwa joue une partie plus fine qu'autrefois.
"Par le passé, le Zanu-PF (au pouvoir) utilisait la violence et les enlèvements pour intimider ses opposants, là ils choisissent des moyens plus subtils", explique-t-il à l'AFP.
"Nous sommes sur des montagnes russes, le règne par le droit opposé à l'État de droit. Le passage à tabac des gens n'est plus viable", dit-il, mais "la voie a été dégagée" et les élections de 2023, "c'est comme si c'était fait".