Quatre hommes, armés de fusils d'assaut et de grenades, ont profité de l'épais brouillard qui enveloppait l'université de Bacha Khan à Charsadda, à une cinquantaine de kilomètres de Peshawar, pour escalader un mur d'enceinte et lancer leur assaut sur le campus en début de matinée.
"Les terroristes ont profité du brouillard" et d'une visibilité "de moins d'une dizaine de mètres", a expliqué à la presse le chef de la police régionale, Saeed Wazir.
Des témoins ont fait état de tirs et de deux fortes explosions, tandis que des dizaines d'étudiants paniqués fuyaient en courant le lieu de l'attaque, selon des images diffusées par les télévisions locales.
"Nous avons soudainement entendu des tirs. Les terroristes sont allés directement à la résidence pour garçons. Je pense que c'était leur objectif", a déclaré à l'AFP Muhammad Daud, un étudiant en sociologie de 22 ans.
Alertées, les forces de l'ordre ont bouclé la zone, où ont été déployées les forces spéciales, l'armée et la police, avec blindés, ambulances et hélicoptères. Les opérations ont été déclarées terminées vers la mi-journée, avec un bilan de 21 morts et plus de 30 blessés, a indiqué M. Wazir, sans préciser si les assaillants faisaient partie du décompte.
"La plupart des étudiants ont été tués par balles par les assaillants dans des résidences pour garçons" du campus, a-t-il notifié.
Dans l'une des résidences, impacts de balles sur les murs, mares de sang sur le sol et portes défoncées témoignaient de la violence de l'attaque, ont indiqué des journalistes de l'AFP.
Le chef de l'opposition, Imran Khan, a déclaré aux médias que des habitants de Charsadda s'étaient précipités à l'université avec leurs armes pour combattre les assaillants.
Des étudiants ont rendu hommage à un jeune enseignant, Syed Hamid Hussain, qui a tenté de s'interposer arme à la main pour protéger ses élèves avant d'être abattu.
"Ils lui ont tiré dessus directement", a témoigné Muhammad Daud. Sur Twitter, nombre d'internautes ont salué la mémoire de l'enseignant, décrit par le journaliste et universitaire Raza Ahmad Rumi comme un "martyr de l'éducation".
Selon Fazal Raheem Marwat, vice-président de l'université, l'établissement n'avait pas reçu de menace spécifique. "Mais nous avions renforcé la sécurité dans l'université", a-t-il ajouté.
- Talibans contre talibans -
Une faction talibane pakistanaise du Tehreek-e-Taliban Pakistani (TTP) a rapidement revendiqué l'assaut, avant d'être désavouée par la principale composante du mouvement.
"Nos quatre kamikazes ont mené l'attaque contre l'université de Bacha Khan aujourd'hui", a déclaré par téléphone à l'AFP un des commandants du TTP, Umar Mansoor, soupçonné d'être également le cerveau de l'attaque contre une école de Peshawar en 2014.
Ce chef rebelle fait partie d'une faction du TTP répondant au nom de Hakimullah Mehsud, en référence à un commandant taliban tué par un drone américain en novembre 2013.
"Cette attaque a été lancée en représailles à l'opération Zarb-e-Azb", vaste offensive antiterroriste actuellement menée par l'armée dans les zones tribales du nord-ouest frontalières de l'Afghanistan, a indiqué Umar Mansoor.
Mais un autre porte-parole du TTP, Muhammad Khurasani, a contredit cette affirmation. "Le TTP condamne fortement l'attaque aujourd'hui et se dissocie totalement de cette attaque non-islamique", a-t-il tweeté. Il a aussi annoncé que les auteurs de cette attaque "non-islamique" seraient poursuivis et jugés au nom de la charia (loi islamique).
D’ailleurs, les empreintes digitales des attaquants ont été prises, a indiqué un haut responsable de sécurité, disant "espérer qu'ils seraient rapidement identifiés". Deux des kamikazes étaient des adolescents et deux autres avaient une vingtaine d'années. Ils portaient des kalachnikov et des grenades mais pas de ceintures d'explosifs, a-t-il ajouté.
Leurs corps en partie calcinés et dénudés ont été transportés dans l'après-midi dans un fourgon de police, ont-ils constaté.
Le Premier ministre pakistanais, Nawaz Sharif, son homologue indien Narendra Modi, ainsi que la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini et l'ambassadeur américain au Pakistan, David Hale, ont unanimement condamné l’attentat.
Le chef de l'opposition, Imran Khan, a déclaré aux médias que des habitants de Charsadda s'étaient précipités à l'université avec leurs armes pour combattre les assaillants.
L'attaque rappelle le pire attentat du pays, perpétré il y a un peu plus d'un an dans une école de Peshawar par des talibans qui avaient massacré de sang-froid plus de 150 personnes, en majorité des écoliers.
Ce 16 décembre 2014, un commando de neuf talibans avait pris d'assaut l'école publique de l'armée (APS), semant la mort classe par classe pendant des heures, déjà en représailles à l'offensive militaire lancée mi-2014 contre les groupes armés.
Avec AFP