Le chef jihadiste algérien Mokhtar Belmokhtar, dont le groupe aurait commis l'attaque vendredi soir contre un hôtel et un restaurant à Ouagadougou, s'est rendu célèbre pour des opérations aussi sanglantes que spectaculaires dans le Sahel.
Ancien cadre d'Aqmi, cet homme de 43 ans donné pour mort à de multiples reprises - notamment en avril 2013 et juin 2015, lorsqu'il a été la cible déclarée d'une frappe américaine en Libye - court toujours, constatait en novembre le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian.
"Il circule", avait dit M. Le Drian, alors interrogé par la radio française Europe 1 sur sa localisation. "Si je le savais, les affaires seraient réglées", avait-il ajouté.
Les Etats-Unis ont mis sa tête à prix pour cinq millions de dollars. Régulièrement soupçonné de séjourner sur le territoire libyen, Mokhtar Belmokhtar est l'un des chefs islamistes extrémistes les plus recherchés au Sahel; il milite pour une grande coalition avec les jihadistes du Niger, du Tchad et de Libye.
En mai 2015, l'Algérien avait réaffirmé la loyauté de son groupe, Al-Mourabitoune, à Al-Qaïda et démenti son allégeance à l'Etat islamique (EI) proclamée par un autre dirigeant.
Selon l'organisation américaine SITE qui surveille les sites Internet islamistes, Aqmi a posté un message attribuant l'attaque de Ouagadougou à Al-Mourabitoune.
Ce dernier groupe a déjà revendiqué l'attentat sanglant, le 20 novembre 2015, contre l'hôtel Radisson Blu de Bamako (20 morts dont 14 étrangers, plus deux assaillants abattus). Un mode opératoire vraisemblablement reproduit vendredi soir par les assaillants dans la capitale burkinabè contre l'hôtel Splendid et le restaurant Cappuccino, ayant fait au moins 26 tués de diverses nationalités, selon un bilan officiel provisoire communiqué samedi après-midi.
Al-Mourabitoune avait déjà revendiqué le premier attentat meurtrier contre des Occidentaux à Bamako, le 7 mars 2015, au bar-restaurant la Terrasse (cinq morts: trois Maliens, un Français et un Belge).
Né en juin 1972 à Ghardaïa, aux portes du Sahara, Mokhtar Belmokhtar a combattu très jeune en Afghanistan en 1991, où il a perdu un oeil, d'où son surnom, "le Borgne".
De retour en Algérie en 1993, au début de la guerre civile, il rejoint le Groupe islamique armé (GIA, démantelé en 2005), et crée une unité basée principalement dans le Sahara.
En 1998, il rejoint le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), une dissidence du GIA soutenue par le chef d'Al-Qaïda, Oussama ben Laden, pour se démarquer des massacres de civils perpétrés par le GIA et concentrer ses attaques sur des cibles policières et militaires.
Le vaste désert, sa cachette ?
Belmokhtar règne alors en maître sur les routes clandestines du grand Sud saharien, se livrant à des attentats financés, selon des analystes, par des activités de contrebande, notamment de cigarettes. Il établit des liens avec les tribus qui le préviennent des mouvements des forces de sécurité.
En 2001, il entre en concurrence avec Amari Saïfi, alias Abderrezak El-Para, alors numéro deux du GSPC, pour le contrôle du Sahara.
Après l'arrestation de son rival, auteur de l'enlèvement de 32 touristes européens en 2003 et livré à Alger en 2004, "le Borgne" se replie dans le nord désertique du Mali, qu'il transforme en sanctuaire, liant de solides alliances en épousant des femmes de tribus touareg ou arabe.
En 2007, à la suite de dissensions au sein du GSPC qui devient Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), il est remplacé à la tête de la zone par Abdelhamid Abou Zeïd.
Après sa destitution en octobre 2012 par le chef d'Aqmi pour insubordination, il crée sa propre unité combattante, les "Signataires par le sang".
En janvier 2013, quelques jours après le début de l'opération Serval, à l'initiative de la France, pour chasser les jihadistes du Nord malien, il lance l'attaque et la prise d'otages massive sur le complexe gazier d'In Amenas, dans le Sahara algérien (38 otages et 29 ravisseurs tués).
En mai 2013, deux mois après avoir été annoncé mort par l'armée tchadienne au Mali, il revendique des attaques contre l'armée nigérienne à Agadez et le site français d'uranium d'Areva à Arlit, une vingtaine de morts au total.
Condamné à mort à deux reprises par la justice algérienne, il aurait commandité l'assassinat de quatre Français en Mauritanie en décembre 2007, et les enlèvements de deux Canadiens en 2008, et de trois Espagnols et deux Italiens en 2009.
En août 2013, son groupe fusionne avec une partie du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao) sous le nom d'"Al-Mourabitoune".
AFP