Alors qu'une nouvelle puissante explosion a été entendue à Kaboul vers minuit, sans davantage de précisions dans l'immédiat, le président américain Biden doit s'exprimer sur l'Afghanistan à 21H00 GMT.
Les Etats-Unis, qui s'attendent à ce que les attaques de l'EI "continuent", ont menacé le groupe jihadiste de représailles en Afghanistan après cette attaque menée, selon eux, par deux kamikazes du groupe jihadiste, suivie d'une fusillade.
Ils ont également annoncé la poursuite des évacuations en cours, alors que le temps presse, car l'armée américaine qui gère ces évacuations est censée quitter le pays le 31 août.
Le chef de l'ONU a en réaction appelé à une réunion du Conseil de sécurité sur l'Afghanistan, selon des diplomates.
La double explosion a tué au moins 12 soldats américains et en a blessé 15 autres, selon le Pentagone. Selon le régime taliban, le double attentat aurait fait jusqu'à 20 morts et 52 blessés, mais d'autres sources évoquent un bilan bien plus lourd.
Un haut fonctionnaire de santé du gouvernement pré-taliban, qui a requis l'anonymat, a ainsi affirmé que le bilan pourrait atteindre les 60 morts, ce que d'autres sources interrogées par l'AFP n'ont pu confirmer.
Des milliers d'Afghans avaient continué à se masser jeudi à l'aéroport, malgré les avertissements lancés ces dernières heures par les Américains et d'autres pays occidentaux sur un possible "attentat terroriste" à venir dans cette zone.
Après les explosions, des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux montraient des dizaines de victimes, mortes ou blessées, étendues dans les eaux saumâtres d'un canal d'égout, entourées de secouristes débordés et démunis.
Les Occidentaux ont condamné ces attentats, en soulignant qu'ils ne devaient pas empêcher la poursuite des évacuations en cours à l'aéroport d'étrangers et d'Afghans qui veulent fuir leur pays.
Le nouveau régime, via son porte-parole Zabihullah Mujahid, a "fermement condamné" ces "attentats à la bombe", tout en soulignant qu'ils étaient survenus dans une zone placée sous la responsabilité de l'armée américaine.
Depuis la reprise soudaine de Kaboul et du pouvoir par les talibans le 15 août, le vaste aéroport de Kaboul est le dernier endroit du pays où sont rassemblés les forces occidentales, menées par l'armée américaine qui prévoit de quitter le pays le 31 août.
L'Otan et l'UE ont appelé à poursuivre les évacuations depuis Kaboul malgré cet "attentat terroriste".
- Panique -
La chancelière allemande, Angela Merkel, a dénoncé un attentat "absolument ignoble". L'Allemagne a annoncé avoir fini ses vols d'évacuation, comme les Pays-Bas et le Canada.
D'autres pays comme la Grande-Bretagne et la France ont indiqué poursuivre leurs évacuations.
Malgré une situation "très risquée", la France va encore évacuer "plusieurs centaines d'Afghans", a indiqué le président français Macron, qui a condamné "avec la plus grande fermeté" l'attaque.
Après les explosions, Paris a annoncé le rapatriement à Paris, pour raisons de sécurité, de son ambassadeur en Afghanistan, David Martinon, qui se trouvait jusqu'ici à l'aéroport de Kaboul.
Selon des sources militaires, l'une des explosions s'est produite à proximité d'Abbey Gate, un des trois points d'accès à l'aéroport.
"C’était une énorme explosion, au milieu de la foule qui attendait devant une des portes de l’aéroport", où entrent des gens qui se font évacuer par les Occidentaux, a déclaré à l’AFP un témoin de la scène, Milad.
"Ca a été la panique totale. Les talibans ont alors tiré en l’air pour disperser les gens qui attendaient devant la porte", a indiqué à l’AFP un autre témoin, qui a notamment vu "un homme courir avec un bébé blessé dans les bras".
Ces attentats interviennent alors que le rythme des évacuations, qui n'avait cessé de s'accélérer ces derniers jours, a commencé à ralentir depuis mercredi.
Selon un bilan de la Maison Blanche jeudi matin, 13.400 personnes ont été évacuées au cours des 24 dernières heures (5.100 à bord de 17 avions militaires américains et 8.300 sur 74 avions de la coalition), malgré une situation chaotique à l'aéroport provoqué par l'afflux de candidats au départ.
Mercredi, le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, avait assuré que les talibans s'étaient engagés à laisser partir les Américains et les Afghans à risque se trouvant encore dans le pays après le 31 août. L'Allemagne a précisé avoir eu l'assurance qu'ils pourraient prendre des vols commerciaux.
- "Moment douloureux" -
La fin prochaine des évacuations fait craindre que de nombreux Afghans qui ont travaillé ces dernières années avec les étrangers ou le gouvernement pro-occidental déchu et se sentent menacés par les talibans, ne puissent tous quitter le pays à temps.
"Il s'agit d'un moment douloureux" parce que "des gens éligibles à l'évacuation vers les Pays-Bas seront abandonnés", ont estimé les ministres néerlandaises des Affaires étrangères, Sigrid Kaag, et de la Défense, Ank Bijleveld.
Sous le nom d'ISKP (État islamique Province du Khorasan), l'EI a revendiqué certaines des attaques les plus sanglantes commises ces dernières années en Afghanistan, faisant des centaines de morts.
Il a surtout ciblé les musulmans qu'il considère comme hérétiques, en particulier les chiites. L'attentat qu'il a revendiqué contre un mariage chiite à Kaboul en août 2019 avait par exemple coûté la vie à 91 personnes.
Même s'il s'agit de deux groupes sunnites radicaux, l'EI et les talibans sont en concurrence et sont animés par une haine tenace et réciproque.
Jeudi, des analystes en sécurité relevaient que l'activité de l'ISKP s'était brutalement arrêtée depuis 12 jours, signe possible qu’il préparait une opération d'ampleur, via des tirs de mortier ou des attentats-suicides, véhiculés ou individuels.
Ces mises en garde n'avaient pas dissuadé, avant l'explosion, nombre d'Afghans de continuer d'assiéger l'aéroport.
Beaucoup d'Afghans, souvent urbains et éduqués, craignent que les islamistes n'instaurent le même type de régime fondamentaliste et brutal que lorsqu'ils étaient au pouvoir entre 1996 et 2001.
Les femmes et les minorités ethniques en particulier s'inquiètent pour leur sort.
Depuis leur reprise du pouvoir, les talibans s'efforcent de se présenter sous un jour plus modéré, souvent sans convaincre, en tout cas à Kaboul.