Des milliers de grands électeurs camerounais ont voté dimanche pour les premières élections régionales du pays, un scrutin boycotté par l'opposition qui estime qu'il ne changera rien, ni politiquement ni pour le conflit séparatiste qui ensanglante les régions anglophones.
D'autant que les conseils municipaux, qui éliront le plus grand nombre de représentants à ces assemblées régionales, sont déjà archi-dominés par le parti du président Paul Biya, au pouvoir depuis 1982.
M. Biya, 82 ans, est confronté à une contestation inédite dans la rue depuis sa réélection en 2018, à des attaques répétées de groupes jihadistes dans l'extrême-nord du pays, ainsi qu'à une rébellion dans les deux régions peuplées par la minorité anglophone, le Nord-Ouest et le Sud-Ouest.
Ce scrutin indirect mobilise quelque 24.000 grands électeurs, des conseillers municipaux ainsi que des chefs traditionnels, pour désigner 900 conseillers régionaux, 90 pour chacune des 10 régions.
A Douala, les bureaux de vote ont ouvert timidement à 08h00 locales et dans les rues peu de personnes semblaient intéressées par ces élections.
"Personne n’attend rien aujourd’hui parce qu’on a déjà trop crié contre les gens de Yaoundé", lance un chauffeur de moto-taxi.
Quatorze partis sont en lice hors des zones anglophones, dont le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) de M. Biya, qui avait remporté une victoire écrasante aux municipales de février. Et dans les deux régions anglophones, le RDPC est le seul à présenter des candidats.
Dans un entretien avec James Butty de la VOA, Chris Anu, secrétaire d'État à la communication de la République autoproclamée d'Ambazonie, a qualifié ces élections de "simulacre" et dit avoir lancé un mot d'ordre aux habitants des régions anglophones de rester chez eux.
"A l’issue de cette election, les populations anglophones n’auront toujours pas le droit d’élire leur propre gouverneur, leurs maires et encore moins l’autonomie de gestion des écoles ou d’initier des projets de développement", a-t-il affirmé.
Pour sa part, le pouvoir présente ces premières élections régionales, pourtant prévues dès la Constitution de 1996, comme "historiques" pour achever la décentralisation et régler la crise anglophone.
Oubliées depuis lors, elles avaient été remises au goût du jour lors d'un Grand dialogue national convoqué en 2019 par Paul Biya, après d'intenses pressions internationales pour mettre fin au conflit en zone anglophone qui a fait plus de 3.000 morts et forcé plus de 700.000 personnes à fuir leur domicile.
Les deux principaux partis d'opposition, le Social Democratic Front (SDF) de John Fru Ndi et le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) de Maurice Kamto, ont décidé de boycotter le scrutin.