Deepak Kumar, un Indien d'une trentaine d'années, a été retrouvé mort le 13 avril après s'être apparemment pendu dans une douche, dans un centre d'Ushiku, au nord-est de Tokyo.
En réaction, environ 70 de ses co-détenus ont entamé une grève de la faim, selon un responsable de l'établissement. Ce mouvement de protestation s'est propagé à d'autres structures similaires.
Le cas de Deepak Kumar n'est pas une première: au moins huit détenus sont décédés dans ces centres depuis 2010, selon un décompte de l'Association japonaise pour les réfugiés (JAR).
Quelque 1.000 personnes sont regroupées dans ces structures, d'après l'ONG, où les détentions peuvent être longues et et les conditions de vie suscitent de vives inquiétudes, notamment sur la qualité du suivi médical et la surveillance des détenus.
Rien qu'à Ishiku, un Vietnamien est décédé l'an dernier après une attaque cérébrale, et en 2014, un Iranien et un Camerounais y ont également trouvé la mort: le premier s'est étouffé avec de la nourriture et le second a été retrouvé inconscient dans sa cellule.
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Les détenus affirment que s'ils se plaignent d'un problème médical auprès des gardiens, on leur fournit simplement des somnifères ou des médicaments contre l'anxiété.
"C'est inquiétant que 20% des détenus prennent des somnifères", remarque Eri Ishikawa, présidente du conseil d'administration de la JAR, qui regrette qu'il "n'y ait pas de mécanisme indépendant pour surveiller" ce qui se passe dans ces structures.
'Pas de sens'
Un migrant sous le coup d'un ordre d'expulsion peut être détenu indéfiniment et "les détentions longues engendrent des dégâts physiques et psychologiqes", souligne-t-elle.
Ce n'est pas la première fois que des détenus se mettent en grève de la faim dans ces centres, mais pour Kimiko Tanaka, une militante de défense des migrants, la mort de Deepak Kumar et l'apparente indifférence des gardiens ont accentué la colère.
"Il n'avait rien fait de mal. Il ne s'est pas battu, il n'a rien volé. Cela n'a pas de sens de l'avoir mis en prison pendant un an", s'indigne un ami du détenu, s'exprimant sous couvert d'anonymat.
De leur côté, les autorités démentent tout mauvais traitement ou négligence. "Nous respectons leurs droits", assure Daisuke Akinaga, un responsable du centre d'Ishiku. "Nous essayons d'écouter les détenus et de répondre à leurs demandes. Par exemple, certains se sont plaints du froid et nous avons amélioré la situation".
"Les demandes de libération provisoire sont un autre sujet. Il y a des procédures à respecter", justifie-t-il.
La plupart des détenus ont vocation à être expulsés, mais beaucoup souhaitent obtenir l'asile et peuvent demander une libération provisoire le temps que leur dossier soit étudié.
Dans le cas du migrant indien, "sa demande a été rejetée en mars mais il ne l'a appris que le 12 avril, selon un détenu qui partageait sa chambre avec lui", explique Kimiko Tanaka.
Demande d'enquête
"Il n'y avait pas de raison pour qu'il se suicide. Il était courageux et avait un esprit combatif", raconte à l'AFP le frère de Deepak Kumar, Sanju, depuis Ludhiana, une ville de l'Etat indien du Pendjab.
"Il m'a appelé la veille de sa mort et il était de bonne humeur. Il a promis de rappeler cinq jours plus tard. Nous ne croyons pas à la version des autorités et nous demandons une enquête", ajoute-t-il.
Les militants et associations réclament de longue date une réforme du système japonais de détention des migrants, et notamment la fin des détentions de longue durée, une amélioration de l'accès aux soins et un contrôle indépendant des structures.
Ils critiquent également les règles très strictes sur la délivrance du statut de réfugié. L'an dernier, seule une vingtaine de personnes ont obtenu l'asile, sur environ 20.000 demandes.
Le gouvernement affirme que la plupart des demandeurs sont des migrants économiques, mais les associations et les Nations unies estiment que le Japon impose des conditions quasiment impossibles à remplir pour les demandeurs.
Avec AFP