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Des dizaines de morts lors de tensions ethniques en mars au Nigeria


Des femmes yoruba à Ibadan, Nigeria, 9 avril 2011.
Des femmes yoruba à Ibadan, Nigeria, 9 avril 2011.

Des affrontements entre Yoroubas et Haoussas, deux des plus grandes ethnies au Nigeria, ont fait au moins 46 morts début mars dans la ville d'Ile-Ife (sud-est), des violences communautaires qui s'ajoutent aux récents heurts meurtriers entre éleveurs peuls et cultivateurs dans l'Etat de Benue (centre).

"Le nombre de personnes tuées s'élève à 46 et 96 ont été blessées dans les violences à Ile-Ife (Etat d'Osun)", a déclaré mercredi à l'AFP Moshood Jimoh, porte-parole de la police fédérale nigériane, ajoutant que "15 blessés sont encore à l'hôpital".

Au lendemain d'un incident dans un marché, des bandes de Yoroubas ont attaqué, pour certains à l'arme blanche, des habitations et des commerces dans le quartier haoussa de Sabo.

Des forces spéciales ont été déployées pendant deux jours, tentant de contenir les violences, durant lesquelles de nombreuses maisons et magasins ont été détruits et brûlés.

Le bilan des victimes n'a pas été révélé pendant plusieurs jours, jusqu'à ce que la police fasse défiler 20 suspects dans les rues de la capitale fédérale Abuja cette semaine.

La pratique est courante au Nigeria, mais a une nouvelle fois attisé les tensions: les Yoroubas dénoncent une stigmatisation dans les arrestations, car aucun Haoussa n'a été interpellé.

Des habitants d'Ile-Ife, ville historiquement considérée comme la capitale yorouba, affirment que le bilan des affrontements est bien supérieur, et qu'il pourrait s'élever à 150 morts.

"C'était une grave crise. Je n'exagèrerais pas en disant que 100 ou 150 personnes ont été tuées", a confié à l'AFP Bisi Adisa, chauffeur de taxi retraité.

- 250 groupes ethniques -

"Nous demandons aux Nigérians de se tolérer. Nous devons encourager une coexistence pacifique entre les différents groupes ethniques au Nigeria. Nous devons cesser de nous percevoir comme des Haoussas, des Igbos ou des Yoroubas", a déclaré le porte-parole de la police, faisant référence aux trois principaux groupes du pays.

"Aucun centre urbain au Nigeria n'est immunisé contre les tensions ethniques et les conflits, pas même Lagos, la capitale économique", écrit Gbemisola Animasawun, du Centre pour la Paix et les études stratégiques de l'Université d'Ilorin.

Selon lui, "l'OPC (Odua People's Congress), une milice yorouba active à Lagos depuis 1999, est active pour garder le contrôle de tous les marchés locaux et les centres commerciaux, pour que Lagos -où sont regroupés toutes les ethnies du pays- reste entre les mains de ceux qu'ils considèrent comme les autochtones".

Ce nouvel épisode de violences communautaires s'ajoute aux heurts, plus fréquents, entre éleveurs peuls et cultivateurs chrétiens. Le dernier en date, dans l'Etat de Benue (centre) a été particulièrement meurtrier : la police a annoncé un bilan de 17 morts, mais de nombreux témoins affirment que le nombre de victimes pourrait atteindre les 50 personnes.

Le Nigeria, géant de 180 millions d'habitants, est un pays extrêmement hétérogène divisé en trois ethnies principales, mais compte au total près de 250 groupes ethniques.

Les différents groupes ethniques sont mélangés sur l'ensemble du territoire national et n'hésitent pas à migrer entre les régions pour trouver de meilleures terres ou de meilleures opportunités commerciales.

Les violences de ces dernières semaines "ne sont pas nouvelles", comme le souligne Mohammed Bello, conseiller légal pour une association d'éleveurs, basé à Abuja.

Au-delà des problèmes de terres et de communautarisme, M. Bello dénonce des actes de "banditisme", conduits par des "milices qui se donnent le droit de chasser et d'arrêter des criminels".

Les tensions ethniques sont souvent doublées de suspicions et de violences inter-religieuses, dans un pays symétriquement divisé entre un Sud chrétien et un Nord musulman.

Avec AFP

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