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Au Nigeria, beaucoup d'obstacles mais "un véritable appétit" pour la langue française


Un homme vend de l’igname au marché d’ Obalende à Lagos, Nigeria, 14 janvier 2012.
Un homme vend de l’igname au marché d’ Obalende à Lagos, Nigeria, 14 janvier 2012.

Baguette or blanquette?!": dans la classe de l'Alliance française de Lagos, les étudiants s'interpellent dans un joyeux brouhaha sur la définition à donner aux mots qu'ils viennent d'apprendre.

La matinée de cours de français à apprendre les conjugaisons au passé composé n'a en rien entamé l'enthousiasme d'Adanna.

"J'aime la culture, la langue française, c'est so rooooomantique...", explique avec un fort accent anglais cette jolie étudiante nigériane de 23 ans, qui ne quitte jamais ses lunettes de soleil même en classe.

Parmi la vingtaine d'élèves débutants de la classe "Simone de Beauvoir", l'image d'une France intello, suave et gastronome revient souvent pour expliquer l'envie d'apprendre la langue de Molière.

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Au-delà des clichés, la plupart des jeunes diplômés et cadres supérieurs viennent avec pragmatisme aux quatre heures de session quotidienne dans la capitale économique du Nigeria, pays de 180 millions d'habitants, où la première langue officielle est l'anglais.

"Ils sont très motivés. Certains veulent continuer leurs études à l'étranger, d'autres savent qu'ils trouveront un meilleur emploi avec le français", affirme Arthur Guehi, professeur arrivé de Côte d'Ivoire pour enseigner la langue il y a quelques mois.

Après avoir terminé son lycée à Londres, Timi Akinrimisi veut se spécialiser dans les énergies renouvelables. "Il y a beaucoup de masters réputés dans ce domaine en France", explique l'étudiant de 22 ans.

"Pour trouver un emploi au Nigeria aussi, ce sera beaucoup plus facile si je suis bilingue", dit-il, assurant que les chasseurs de tête recrutent en priorité les candidats maitrisant les deux langues les plus parlées dans le continent africain.

Isolé

Première économie d'Afrique de l'Ouest, le géant anglophone n'en est pas moins isolé au plan régional, entouré exclusivement de voisins francophones (Cameroun, Tchad, Niger, Bénin).

Conscient de cette fragilité, le dirigeant militaire Sani Abacha a voulu faire du français la deuxième langue officielle du pays en 1996 et l'a imposée comme seconde langue étrangère obligatoire à l'école.

A la même époque, le général avait également encouragé la création d'un "village français" à Badagry, à quelques km du Bénin, avec un campus universitaire où la devise était "Ici, on parle français!".

"Il y a un véritable appétit pour apprendre la langue française au Nigeria, même s'il n'est pas forcément suivi d'effet", estime Emmanuelle Ravot, directrice adjointe à l'Alliance française de Lagos, qui n'accueille "que" 2.100 élèves dans une mégapole où vivent pourtant 20 millions de personnes.

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Depuis 20 ans, l'enseignement du français à l'école a en effet été largement négligé et la plupart des Nigérians maîtrisent bien mieux le pidgin, sorte de créole local, ou leurs nombreuses langues vernaculaires, comme le yorouba ou le igbo.

Dans le public, "les classes sont surchargées avec plus de 60 élèves, et beaucoup de professeurs sont très mal formés ou parlent à peine le français", explique un enseignant nigérian, Okoroji Jamike Ugochukwu.

Les cours à l'Alliance française coûtent 60.000 nairas (environ 160 dollars) pour une session de deux mois, et restent un rêve inabordable pour de nombreux Nigérians dont c'est le salaire mensuel moyen.

Marqueur social

Résultat, le français reste un marqueur social, symbole de prestige de la classe supérieure, dont les enfants ont grandi en Europe ou sont incrits dans les établissements privés pouvant s'offrir du personnel très qualifié.

Le développement des médias francophones reste également balbutiant. Certains, comme la radio de l'Université de Lagos, ont mis en place des programmes en français - journaux d'actualité, émissions musicales - pour populariser la langue.

Ali Kabré est arrivé il y a 12 ans du Burkina Faso pour mener à bien ce projet, à l'origine soutenu par l'ambassade de France: "Nous avons un public fidèle au sein de la communauté francophone et nigériane. Nos auditeurs, quand ils appellent, mélangent le français et l'anglais, c'est très convivial".

Il a recruté et formé une petite équipe d'étudiants motivés, qui animent aujourd'hui les programmes. Mais faute de moyens et en l'absence de revenus publicitaires, ils sont aujourd'hui quasiment bénévoles et Ali Kabré se demande combien de temps il pourra encore tenir.

De son côté, le gouvernement français tente d'encourager les meilleurs étudiants des universités locales à venir étudier en France.

"Les Nigérians boursiers obtiennent d'excellents résultats, ils arrivent à chaque fois dans les premiers de leur promotion, toutes nationalités confondues", affirme Leila Mathieu, attachée des programmes pour l'éducation supérieure à l'ambassade de France d'Abuja.

Et pourtant, la France accueille moins de 600 étudiants nigérians aujourd'hui dans les cadres d'échanges universitaires. Ils sont 80 à 100.000 étudiants nigérians à poursuivre leurs études dans les pays du Commonwealth et aux Etats-Unis.

Avec AFP

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