Près de la montre d'un des poignets, telle une fourmi, Saype, 31 ans, land-artiste français de renommée mondiale, travaille un dégradé au pistolet à peinture.
L'ensemble fait 700 mètres de long sur 30 de large, soit une surface de 21.000 mètres carrés. Une des plus grandes œuvres de land-art au monde, la plus grande de la carrière de Saype qui sue à grosse gouttes sous une chaleur de plomb.
Pendant une dizaine de jours, avec son équipe, il a travaillé au pied du plus grand édifice chrétien au monde pour poser des milliers de repères au sol après avoir projeté des photos de mains entrelacées.
L'artiste, qui semble travailler au hasard, accomplit en fait un travail méticuleux pour donner naissance à un hyper-réalisme titanesque mais éphémère... avec de la peinture biodégradable de sa composition.
L'œuvre fait partie d'un projet personnel beaucoup plus vaste, "Beyond walls". Champ de Mars à Paris, mur de Berlin, Andorre, place des héros de Ouagadougou et désormais Yamoussoukro.
- De la Première dame au dealer –
"L'idée avec ces mains entrelacées c'est de créer symboliquement la plus grande chaine humaine au monde. C'est inviter les gens à la bienveillance, au vivre-ensemble", explique Saype.
"Dans ce contexte où tout le monde se confine chez soi, nous avons aussi besoin de message optimiste. On est dans une phase de l'histoire où les gens se replient sur eux-mêmes. Nous, on est persuadés que c'est ensemble que l'humanité pourra répondre aux différents défis qu'ils soient sanitaires, écologiques, économiques...", juge l'artiste.
"Avec ces mains, il y a une logique d'universalité. On a fait des photos partout sur tous les projets. Il y a toutes les classes sociales. On entre toutes ces mains dans la base de données et après on ne sait plus à qui elles appartiennent. Ca peut aussi bien être la première dame du Burkina (Sika Kaboré), Mme Hidalgo (la maire de Paris), Lilian Thuram (le footballeur), qu'un migrant ou un dealer de Berlin", explique Saype.
Le recteur de la Basilique, le père Franck Alattin, a été sensible à ce message de "fraternité universelle" prôné par Saype quand on lui a présenté le projet. "Le nom de l'artiste aussi est parlant. Saype est la contraction de +Say Peace+ et notre basilique est consacrée à la paix (Notre Dame de la Paix). On a trouvé dans l'art la manière de faire collaborer notre foi avec cet idéal de paix et de beauté".
Originaire du village d'Evette-Salbert (près de Belfort, dans l'est de la France), Guillaume Legros, dit Saype, ancien infirmier, a commencé sa carrière en faisant des graffitis. "On aimait bien trouver de la cohérence dans les lettres. Un jour, je me suis amusé à écrire +Say Peace+. J'aimais bien cet acte de rébellion (graffiti) en même temps qu'on écrivait quelque chose de positif", assuré Saype.
Le résultat à la basilique de Yamoussoukro impressionne. "Quand tu es en bas, tu ne vois pas ce que c'est. Mais, quand tu montes en haut de la basilique, c'est +Waow, je n'ai jamais vu ça! +", réagit Viviane Koua Boni en découvrant la fresque au sol.
Saype et son équipe visent désormais d'autres destinations, allant de Ouidah au Bénin à la Muraille de Chine en passant par l'Australie ou l'Amazonie. "L'idée c'est de trouver des lieux symboliques ou qui fassent sens. Par exemple, en Europe, peu de gens connaissaient la place des Héros de Ouagadougou mais faire l'œuvre à Ouaga alors qu'on parle beaucoup des attaques jihadistes... moi ca m'a fait plaisir de donner une autre image".