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Au procès d'El Chapo, la défense le présente comme un "bouc émissaire"


Caricature de Joaquin "El Chapo" Guzman, dans la salle d'audience de la Cour fédérale de Brooklyn à New York, le 13 novembre 201
Caricature de Joaquin "El Chapo" Guzman, dans la salle d'audience de la Cour fédérale de Brooklyn à New York, le 13 novembre 201

Joaquin "El Chapo" Guzman est un "bouc émissaire" du gouvernement mexicain, lequel a touché des millions de dollars de pots-de-vin de son cartel: c'est ce qu'a affirmé sa défense au premier jour de son procès à New York, tandis que l'accusation le dépeignait comme un vrai chef de gang.

"La vérité, c'est qu'il ne contrôlait rien", a affirmé Jeffrey Lichtman, avocat de M. Guzman, qui encourt la prison à perpétuité au terme de ce procès qui devrait durer plus de quatre mois au tribunal fédéral de Brooklyn.

Pour l'avocat, "El Chapo" est un "bouc émissaire" du gouvernement mexicain. "Pourquoi le gouvernement mexicain a-t-il besoin d'un bouc émissaire? Parce qu'ils se font trop d'argent avec les pots-de-vin des barons des cartels", a-t-il lancé.

L'avocat a du même coup accusé le président mexicain sortant, Enrique Pena Nieto, et son prédécesseur, Felipe Calderon (2006-2012), d'avoir reçu "des centaines de millions de dollars" de pots-de-vin du cartel de Sinaloa, que M. Guzman est accusé d'avoir dirigé pendant 25 ans.

Le responsable de ces versements serait Ismael "El Mayo" Zambada, co-accusé d'"El Chapo" mais actuellement en fuite, a déclaré M. Lichtman lors de sa plaidoirie introductive, laissant entendre qu'"El Mayo" était le vrai patron du cartel.

Depuis Mexico, M. Nieto et M. Calderon ont rejeté ces accusations.

Le porte-parole de la présidence mexicaine les a qualifiées de "fausses et diffamatoires", tandis que M. Calderon les jugeait "fausses et irresponsables".

Avant le début de la plaidoirie de la défense, qui se poursuivra mercredi, l'accusation avait dressé un tout autre tableau, assurant que Joaquin Guzman était bien "le chef de l'organisation", selon l'assistant du procureur, Adam Fels.

Dans cette petite salle d'audience, qui n'a pu accueillir qu'un quart de la centaine de journalistes présents, le représentant du ministère public a promis au jury des preuves de "ventes de drogue, d'assassinats, de corruption", notamment des textos envoyés par "El Chapo" lui-même.

Durant le procès, les jurés entendront ainsi, via des enregistrements, des SMS ou des lettres, l'accusé décrire "son empire de la drogue avec ses propres mots", a annoncé Adam Fels.

- El Chapo, un "trophée" -

Le début du procès a été retardé mardi par le désistement de deux jurés. La première, une femme, a produit un certificat médical et le second, un homme, a indiqué qu'il n'avait pas les moyens de suivre un procès d'une telle durée, étant sans emploi.

Deux nouveaux jurés les ont remplacés, avant que les plaidoiries ne puissent débuter.

Lors de la sélection la semaine dernière, plusieurs jurés potentiels avaient demandé à être excusés, de crainte de représailles du narcotrafiquant ou de ses proches.

La justice américaine présente "El Chapo", 61 ans, comme l'un des barons de la drogue les plus dangereux qu'elle ait jamais eu entre ses mains.

Il est accusé d'avoir dirigé de 1989 à 2014 le puissant cartel de Sinaloa, du nom des montagnes au nord-ouest du Mexique d'où il est originaire.

Les procureurs américains affirment que, sous sa direction, le cartel a expédié aux Etats-Unis plus de 154 tonnes de cocaïne, pour une valeur estimée à 14 milliards de dollars.

Depuis son extradition aux Etats-Unis en janvier 2017, M. Guzman est détenu dans des conditions très strictes, dues à deux précédentes évasions rocambolesques au Mexique, en 2001 et 2015.

Même sa femme, l'ex-reine de beauté Emma Coronel, ne peut lui rendre visite. Elle a été assaillie par une nuée de journalistes à son arrivée au tribunal. Et à la sortie, elle a accepté de faire quelques "selfies" avec des fans.

"El Chapo" plaide non coupable, mais la justice américaine assure avoir réuni une montagne de preuves contre lui, dont quelque 300.000 pages de documents, et 117.000 enregistrements audio.

En attendant de savoir si les jurés jugeront le Mexicain coupable des 11 chefs d'accusation contre lui, la crainte d'une nouvelle évasion ou d'un autre coup d'éclat d'"El Chapo" plane sur le tribunal.

Pour protéger les jurés retenus, leurs noms resteront secrets. Ils seront escortés par des gardes chaque jour au tribunal de Brooklyn, placé sous haute surveillance.

La liste des témoins --ex-associés, employés ou rivaux d'"El Chapo"-- appelés à témoigner est aussi tenue secrète.

Certains bénéficient de la protection du gouvernement américain, et vivent aujourd'hui sous de nouvelles identités. D'autres sont détenus dans des prisons spéciales pour empêcher toutes représailles.

Mardi, M. Lichtman a accusé la justice américaine d'avoir consenti à protéger des criminels, voire à les absoudre, en échange de leur coopération.

"Pourquoi le gouvernement va-t-il si loin, en leur donnant des visas pour s'installer dans ce pays, parmi nous?", a-t-il interrogé. "Parce que +El Chapo+ est le plus beau trophée dont l'accusation ait rêvé".

Avec AFP

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