Suscitant la crainte d'une pénurie de main-d'oeuvre, le nouveau système d'immigration post-Brexit dévoilé mercredi par le gouvernement britannique a été immédiatement fustigé par l'opposition et certains professionnels, qui y voient un danger pour des secteurs comme la santé ou l'industrie alimentaire.
Cette réforme concrétise l'une des principales promesses du Premier ministre Boris Johnson, ardent défenseur du Brexit, entré en vigueur le 31 janvier.
Pour obtenir un visa de travail à partir de l'an prochain, les nouveaux arrivants au Royaume-Uni doivent présenter des compétences spécifiques: parler anglais et avoir déjà une proposition d'emploi avec un salaire minimum annuel de 25.600 livres (30.820 euros), excluant ainsi les travailleurs peu qualifiés ou peu rémunérés.
La ministre de l'Intérieur Priti Patel a qualifié ces réformes de "fermes et justes", déclarant qu'elles faciliteraient l'obtention de visas pour les travailleurs hautement qualifiés.
"Notre économie ne doit plus dépendre d'une main-d'oeuvre bon marché en provenance d'Europe, mais se concentrer plutôt sur l'investissement dans la technologie et l'automatisation", a-t-elle déclaré dans le document détaillant les mesures, demandant aux employeurs de "s'adapter".
Mais selon Carolyn Fairbairn, directrice générale de la CBI, la principale organisation patronale, "les entreprises savent qu'elle ne doivent pas choisir entre recruter à l'étranger ou investir dans les compétences de leurs salariés et les nouvelles technologies". "Les deux sont nécessaires pour faire fonctionner l'économie", a-t-elle souligné dans un communiqué. Selon la CBI, des secteurs comme la santé, la construction, l'hôtellerie et la restauration risquent d'être les plus touchés.
Le plan impose à chaque travailleur étranger d'accumuler 70 points pour pouvoir obtenir un permis de travail. Il octroie un maximum de 20 points aux candidats qui gagnent au moins 30.820 euros par an et aucun point à ceux qui obtiendront le minimum requis de 24.600 euros. Vingt points iront à ceux qui feront preuve de "compétences appropriées" et vingt de plus à ceux qui parlent l'anglais à un "niveau requis". Il met sur le même plan les citoyens européens et non-européens.
-"Désastre absolu" -
Ces exigences ont suscité de fortes inquiétudes dans les secteurs qui emploient des travailleurs peu qualifiés ou peu rémunérés.
Dans la santé, ces mesures "vont provoquer un désastre absolu", a estimé Christina McAnea, responsable du principal syndicat du secteur public.
"Les entreprises et les autorités locales ne réussissent pas à embaucher assez de personnel au sein du Royaume-Uni, donc ils doivent se reposer sur des travailleurs venus d'ailleurs", a-t-elle expliqué. "Mais même avec ces travailleurs immigrés, il n'y a pas assez de monde pour répondre à la demande."
La Fédération de l'alimentation et des boissons s'est inquiétée d'une éventuelle pénurie dans les métiers peu qualifiés comme "les assistants en boulangerie, les employés d'abattoir et tous ceux essentiels à toute une gamme de production de denrées alimentaires de base".
La présidente du Syndicat national des agriculteurs, Minette Batters, a prédit de "graves conséquences pour le secteur agricole" où l'automatisation "n'est pas encore une option viable".
"Ce système basé sur un niveau de salaire aura tellement d'exceptions (...) qu'il perdra son sens", a relevé Diane Abbott, chargée de l'Intérieur au sein du Parti travailliste, principale formation d'opposition.
Ces mesures doivent entrer en vigueur au 1er janvier 2021, à l'issue de la période de transition qui a débuté après la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, le 31 janvier.
Mais selon le petit parti europhile libéral démocrate, dix mois ne suffiront pas aux entreprises pour se préparer, risquant de provoquer "le chaos et la confusion".
La Première ministre écossaise Nicola Sturgeon a dénoncé des mesures "dévastatrices" pour l'économie écossaise. "Notre démographie (en berne) fait que nous devons continuer d'attirer du monde ici", a-t-elle tweeté, "et ça rend cela tellement plus difficile".
Le ministère estime, lui, se conformer au "message clair" envoyé par le peuple britannique lors du référendum de 2016 qui a voté la sortie de l'Union européenne. Le contrôle de l'immigration avait été l'un des grands thèmes de la campagne.
Ces mesures ne concernent pas les quelque 3,2 millions de ressortissants de l'UE qui auront demandé à résider en Grande-Bretagne avant la fin de la transition.