Vingt-quatre personnes sont mortes depuis le début du mouvement le 19 décembre, d'après un bilan officiel. Les ONG Human Rights Watch et Amnesty International évoquent elles au moins 40 morts, parmi lesquels des enfants et du personnel médical.
Les organisateurs -des docteurs, ingénieurs, professeurs- ont appelé leur concitoyens à une "semaine de soulèvement" et à marcher de nouveau jeudi vers le palais présidentiel à Khartoum.
Pour les analystes, ce mouvement, parti du mécontentement face au triplement du prix du pain, représente le plus sérieux défi pour M. Béchir depuis son arrivée au pouvoir en 1989 à la faveur d'un coup d'Etat soutenu par les islamistes.
"Je manifeste et je continuerais à manifester jusqu'à ce que ce régime tombe", promet Adel Ibrahim, 28 ans, qui arpente les rues de Khartoum avec d'autres manifestants. "Nous protestons pour sauver notre avenir et le futur de notre pays".
Après avoir commencé à Atbara (250 km au nord de Khartoum), les manifestations se sont rapidement propagées jusqu'à atteindre la capitale, mais aussi le Darfour (ouest).
Les manifestants, qui utilisent les réseaux sociaux pour s'organiser, scandent "liberté, justice et paix" et certains crient "le peuple veut la chute du régime", le slogan du Printemps arabe de 2011.
Sifflant, tapant dans leurs mains, des foules de Soudanais et Soudanaises ont dû parfois braver le gaz lacrymogène pour faire entendre leurs revendications.
"Il y a un élan en ce moment, et les gens manifestent tous les jours", souligne le chroniqueur Faisal Mohamed Salih. "Même les autorités n'en reviennent pas".
- "Nous devons nous battre" -
Au-delà de la seule baisse des subventions du pain, le Soudan fait face à un profond marasme économique, avec un grave déficit en devises étrangères.
Les habitants sont confrontés à des pénuries régulières d'aliments et de carburants, dans les villes de province comme dans la capitale, tandis que le prix des médicaments et de certaines denrées subissent une forte inflation.
Pour Khartoum, Washington est à l'origine de ces difficultés économiques: les Etats-Unis ont imposé en 1997 un sévère embargo, qui interdisait au Soudan de mener des activités commerciales et des transactions financières à l'international. Des restrictions qui n'ont été levées qu'en octobre 2017.
Mais, pour les critiques du pouvoir, M. Béchir est coupable d'une mauvaise gestion économique et de dépenser sans compter pour financer la lutte contre les rebelles du Darfour et ceux près de la frontière avec le Soudan du Sud.
Le Soudan était le plus grand pays d'Afrique avant la sécession du Sud en 2011, qui a privé son économie des trois quarts de ses réserves de pétrole et de l'essentiel des revenus de l'or noir.
"Si ce régime continue ainsi, nous allons bientôt perdre notre pays, et c'est pour cela que nous devons nous battre", tempête Ibrahim, à la recherche d'un emploi depuis des années.
"Les manifestants ne connaissent même pas le nom des organisateurs (de cette manifestation), mais ils leur font malgré tout confiance", remarque M. Salih.
- Béchir déterminé à rester -
Mobilisé, le puissant Service national du renseignement et de la sécurité (NISS) a réprimé les manifestants, arrêtant selon des ONG plus de mille personnes, dont des chefs d'opposition, des militants et des journalistes.
"Les manifestations ne conduiront pas à un changement de pouvoir", a déclaré lundi le président soudanais, devant une foule criant "Reste, reste", à Niyala, capitale du Darfour-Sud.
"Il y a une seule voie vers le pouvoir, et c'est celle des urnes. Le peuple soudanais décidera en 2020 qui doit les gouverner", a dit M. Béchir, 75 ans, dont une troisième candidature à la présidentielle est pressentie.
En 1964 et 1985, des soulèvements populaires avaient mené en quelques jours à la chute du régime en place. Mais, cette fois, les militants ont encore un long chemin à parcourir, estiment les analystes.
"Pour l'instant, Béchir semble avoir la majorité des forces de sécurité de son côté", explique Willow Berridge, spécialiste du Soudan.
"Il y a quelques manifestations, mais elles sont isolées et ne rassemblent pas beaucoup" de gens, assure à l'AFP Ibrahim al-Siddiq, porte-parole du parti présidentiel.
Le règne d'Omar el-Béchir pourrait survivre aux manifestations, juge aussi le centre de réflexion International Crisis Group (ICG) dans un rapport.
Mais, souligne-t-il, "s'il le fait, ce sera au prix de la poursuite du déclin économique, d'une plus grande colère populaire, de davantage de manifestations et d'une répression plus dure encore".
Avec AFP