Les autorités australiennes cherchent à réinventer les cimetières, surtout les plus anciens, chargés d'histoire, pour en faire aussi des territoires à explorer et des espaces de verdure au coeur de villes surpeuplées.
Malgré sa drôle d'origine, l'huile d'olive bien charpentée du cimetière West Terrace d'Adelaïde, capitale de l'Etat d'Australie méridionale, a du succès. Cette année, l'édition limitée produite pour marquer le 180e anniversaire du cimetière s'est envolée en un clin d'oeil.
"C'est très difficile d'essayer de vendre la mort, personne ne veut acheter cela", explique à l'AFP dans le bruissement des oliviers le directeur général de l'Autorité des cimetières d'Adelaïde, Robert Pitt.
Mais une visite au cimetière peut prendre "tout son sens" avec la vente d'huile produite sur place. "C'est vraiment un endroit particulier, on y ressent de la vénération et la présence de l'histoire", dit M. Pitt.
Cette initiative montre que les cimetières sont en train d'évoluer, pour ne plus être seulement des sites destinés au "repos des défunts", observe l'historienne Cathy Dunn.
Les cimetières les plus anciens comme West Terrace ou bien Rookwood à Sydney --le plus grand cimetière de l'hémisphère sud-- sont en outre de plus en plus appréciés des touristes, ajoute-t-elle.
Rookwood, qui porte officiellement le nom de "nécropole", abrite plus d'un million de défunts et attire les foules avec ses journées portes ouvertes, ses expositions-promenades annuelles autour de la sculpture et même des courses de vélo.
En septembre, pour fêter ses 150 ans, ce cimetière proposait du jazz live, des démonstrations sur la manière de creuser une tombe ou encore du maquillage pour les enfants.
Les généalogies en ligne permettent d'essayer d'attirer autant de gens que possible, explique à l'AFP le directeur général de Rookwood, George Simpson.
Son homologue d'Adelaïde envisage, lui, d'avoir recours à la réalité augmentée dans les cimetières sous son autorité pour transmettre des messages d'outre-tombe aux visiteurs.
La mort en face
Les cimetières australiens ont une autre bonne raison de se vouloir plus présents dans la vie quotidienne des gens: avec le vieillissement de la population, le taux de mortalité du pays devrait plus que doubler au cours des prochaines décennies.
"De plus en plus de personnes vont se retrouver confrontées avec leur propre finitude et celle de leurs proches et amis", relève M. Pitt.
Pour normaliser les discussions sur la fin de vie, l'Autorité des cimetières organise des événements intitulés "La mort en dînant", durant lesquels les invités partagent un repas tout en interrogeant des experts sur cette question.
"Notre expérience en tant qu'opérateurs de cimetières et coordinateurs de funérailles nous a appris que les personnes qui préparent leur mort et y pensent avant qu'elle ne survienne rendent les choses plus faciles pour ceux qu'elles laissent derrière elles", explique M. Pitt.
Mais tout le monde n'est pas forcément à l'aise avec l'idée de voir les cimetières accueillir des activités de loisirs. Les médias se sont faits l'écho cette année du mécontentement d'une famille de Melbourne alors que l'enterrement de leur grand-mère était retardé car il tombait en même temps qu'un tour de gastronomie historique.
Mais Maree Edwards, une habitante qui a enterré son père à Rookwood voilà quarante ans et a vu toute l'évolution du cimetière depuis, est convaincue que la rénovation du site et le changement d'attitude envers la mort permettront d'attirer plus de gens dans ce lieu de résidence des défunts.
"Il y a vingt ans, il n'y avait qu'une minuscule échoppe vendant des fleurs à l'entrée" du cimetière, se souvient-elle, "mais maintenant, il y a des cafés". Elle espère même voir sa fille la rejoindre un de ces jours pour passer le week-end ensemble... à Rookwood.
"Il faut adopter une mentalité différente pour venir ici et penser: +Dis donc, ça ne ressemble pas au pays sinistre des morts. C'est joli, c'est un endroit joyeux+". Et pour elle, "aussi bizarre que ça puisse paraître, c'est un plaisir d'être ici".
Avec AFP