En juin, à la surprise générale, le chef de l'opposition Cellou Dalein Diallo passait alliance avec l'ex-chef de la junte (2008-2009) Moussa Dadis Camara, en exil au Burkina Faso, avec accord de désistement au second tour, qui fera long feu après l'inculpation de ce dernier en juillet pour le massacre d'au moins 157 opposants le 28 septembre 2009.
Bien que nombre des ses militants aient péri dans le massacre, les commentaires ont surtout souligné l'habileté du "coup politique" de Cellou Dalein Diallo, en raison de l'influence prêtée à l'ancien putschiste dans sa région natale, la Guinée forestière (sud), qui a contribué à l'élection du président Alpha Condé en 2010.
Peu de voix dans son camp se sont élevées sur le moment pour dénoncer, comme Asmaou Diallo, présidente de l'Association des victimes et parents des victimes du massacre du 28 septembres (Avipa), "une alliance scabreuse", dans une tribune parue au sixième anniversaire du drame.
"En réalité, l'élection est un comptage ethnique", explique le Dr Alpha Amadou Bano Barry, professeur de sociologie politique à l'Université de Sonfonia, à Conakry.
Selon lui, "le fait pour Moussa Dadis Camara d'annoncer qu'il va faire alliance avec Cellou Dalein Diallo, même si cela ne s'est pas concrétisé, va empêcher le transfert des ses voix vers le candidat président Alpha Condé", d'où les efforts de la campagne de M. Condé dans le centre du pays, bastion de la communauté peule de M. Diallo.
Au chapitre des rabibochages inopinés à la faveur de l'élection figure d'ailleurs le ralliement en août au chef de l'Etat d'un homme d'affaires peul en exil, que M. Condé avait désigné comme un commanditaire de l'attaque contre son domicile le 19 juin 2011.
Selon Vincent Foucher, spécialiste de la Guinée au groupe de réflexion International Crisis Group (ICG), ce type de rapprochements "veut dire que la politique se construit autour de quelques grandes figures qu'on imagine comme ayant un impact sur telle ou telle communauté, quel que soit leur passif ou leur caractère sulfureux aux yeux de la communauté internationale".
- 'La violence instrument de mobilisation' -
Que les candidats le veuillent ou non, remarque le Dr Barry, "il y a une identification de l'individu à son groupe ethnique".
"Là ou il y a il y a des équilibres de forces, il y a souvent des violences, pour deux raisons: intimider l'adversaire et mobiliser son propre électorat", précise-t-il.
"C'est une composante de la vie politique guinéenne à chaque élection", observe le sociologue. "La violence est un instrument de mobilisation du +nous+ contre +eux+, pour qu'il n'y ait pas de déperdition du vote" au sein de la base de chaque candidat.
Soupçons et accusations réciproques de fraude nourrissent ce climat de violence, qui a culminé pendant les deux derniers jours de campagne, jeudi et vendredi, avec au moins sept morts.
"On voit bien que l'opposition a durci le ton ces derniers jours, appelant au +combat+ contre la fraude", souligne Vincent Foucher. "De façon assez symbolique, Cellou lui-même est venu en saharienne kaki au meeting de Conakry" jeudi soir.
Dans ses ultimes déclarations à la veille du scrutin, le chef de l'opposition a fustigé les "pseudo appels au calme" du pouvoir, et sa volonté de "faire porter ces débordements à l'opposition", en particulier son parti.
"Par cette manipulation, on veut faire peur aux citoyens, on veut leur faire croire que leur vote peut éventuellement mener à la violence", a-t-il dit.
La campagne d'Alpha Condé s'est fixé l'objectif ambitieux, sous le slogan "un coup KO", d'une réélection au premier tour, dimanche, une performance que ses adversaires affirment impossible sans fraude.
L'argent joue également un rôle important dans la campagne, dans un pays où plus de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté de l'ONU.
A chaque réunion électorale, les militants assurent ainsi spontanément que contrairement à ceux des autres candidats, eux se sont déplacés par conviction et non par appât du gain.
Avec AFP