Le week-end dernier, sept partis politiques dont trois se réclamant de l'opposition ont été autorisés à participer au scrutin du 8 janvier. D'abord refusée, la candidature du principal parti d'opposition Les Démocrates a été acceptée in extremis après une décision de la Cour constitutionnelle.
"Nous n’y croyions plus mais la Cour constitutionnelle a voulu épargner au Bénin un nouveau drame en acceptant que notre parti aille enfin aux élections", souligne Gandonou Eudes, militant des Démocrates. Pour la première fois, le parti opposé au président Patrice Talon va prendre part à une élection.
Les dernières législatives en 2019 s'étaient soldées par une spirale de violences ayant fait plusieurs morts, dont le nombre reste à ce jour inconnu. L’opposition avait été interdite de prendre part aux élections et ses partisans, descendus dans les rues du centre du pays, bastion de l'ancien président Thomas Boni Yayi, ont été violemment réprimés.
Seuls les deux partis politiques soutenant le président Patrice Talon avaient été autorisés à prendre part à cette élection. En 2021, les principaux leaders de l’opposition n’avaient pas réussi non plus à participer à l’élection présidentielle.
Deux des principaux adversaires du président sont toujours en prison, condamnés à de lourdes peines. Des violences avaient alors de nouveau éclaté dans le centre du pays, des manifestants réclamant une élection inclusive.
"Arme du démocrate"
"Nous avons essayé que notre logo soit sur le bulletin de vote en 2019, 2020, 2021, impossible. 2022 nous sommes sur le bulletin unique de vote. Notre heure a sonné", a déclaré lundi le président des Démocrates, Eric Houndété, au cours d'un meeting dans la capitale Porto-Novo.
"Vous avez l’occasion de choisir, d’éviter d’avoir un parlement monocolore, des députés nommés. L’arme du démocrate, c’est son bulletin de vote", a-t-il lancé, face à une foule de partisans.
Pour Guy Mitokpè, également député et membre des Démocrates, les danses et "pleurs de joie" à l'annonce de l'autorisation de leur candidature est "l'expression populaire d'un peuple qui attend pour trancher en faveur de la justice, en faveur des opprimés, et en faveur des laissés-pour-compte."
Élu en 2016, réélu en 2021, Patrice Talon a lancé des réformes politiques et économiques tous azimuts en vue d'engager son pays dans la voie du développement. Mais cette modernisation s'est aussi accompagnée d'un important recul démocratique, selon l'opposition.
Les grandes figures de l'opposition ont toutes été poursuivies par la justice. Elles sont soient en exil, soit emprisonnées, comme l'ancienne Garde des Sceaux Reckya Madougou condamnée à 20 ans de réclusion pour des faits de "terrorisme" et le constitutionnaliste Joël Aïvo, condamné à 10 ans de prison pour "complot contre l'autorité de l'Etat" en décembre 2021.
La Force cauris pour un Bénin émergent (Fcbe) et le Mouvement populaire de Libération (Mpl), deux autres formations de l'opposition, participeront également aux législatives. Chacune espère grappiller le maximum de sièges au Parlement qui comptera 109 députés, dont au moins 24 femmes, une par circonscription.
Exil et "oubli"
"Si les élections législatives sont transparentes, les partis au pouvoir n'auront pas la tâche facile", prévient le politologue béninois Expédit Ologou, pour qui il n'est toutefois "pas plausible de dire que l'opposition obtiendra la majorité absolue".
Ce scrutin pourrait en revanche écorner l'image du président Talon présenté comme "réussissant tout", poursuit M. Ologou. "Si l'opposition obtient une part relativement importante de sièges, cela voudra dire - contrairement à la communication du président - que son action n'est pas excellente", estime-t-il.
Toute l'opposition ne participera cependant pas à ce scrutin, plusieurs de ses figures se trouvant en exil et leur parti n'ayant pas présenté de liste, à l'image de Sébastien Ajavon - arrivé troisième à la présidentielle de 2016 et condamné par contumace à 25 ans de prison.
Pour Marie Yaya, jeune militante des Démocrates, et ancienne étudiante de l'opposant Joël Aïvo, il ne faut pas que cette élection fasse "oublier le sort de ceux qui croupissent encore en prison".