Le pape François, accueilli triomphalement dimanche 29 novembre à Bangui, a demandé aux Centrafricains de résister à "la peur de l'autre", quelle que soit sa religion ou son ethnie, pour mettre fin aux violences intercommunautaires qui ont ensanglanté le pays depuis 2013.
Sur une partie des quatre kilomètres du trajet de l'aéroport au palais présidentiel, le pape est monté dans sa jeep blanche découverte. Une foule très jeune et très pauvre l'acclamait sur les talus, avec frénésie et joie, agitant parfois des branches d'arbre en signe de paix.
Sur le parcours le menant au centre-ville, des voitures blindées de l'ONU, des policiers et des soldats étaient déployés ici et là, mais sans donner une impression de tension particulière.
Porteur d'un message de paix et de réconciliation interreligieuse, François, dont la tournée l'avait auparavant mené au Kenya et en Ouganda, est arrivé dimanche à Bangui pour l'étape la plus risquée de sa tournée africaine.
Devant la présidente de transition Catherine Samba-Panza, le pape a invité les Centrafricains à éviter l'isolement communautaire: "il faut éviter la tentation de la peur de l'autre, de ce qui n'appartient pas à notre ethnie, à nos options politiques ou à notre confession religieuse".
"Nouvelle étape"
"Mon souhait le plus ardent, a-t-il ajouté, est que les différentes consultations nationales qui vont se tenir dans quelques semaines permettent au pays d'entamer sereinement une nouvelle étape de son histoire".
Des élections présidentielle et législatives, plusieurs fois reportées pour des raisons essentiellement sécuritaires, sont prévues le 27 décembre en Centrafrique.
"Chaque personne a une dignité et je me suis laissé dire que la Centrafrique est le pays du +Zo kwe zo+ ("un homme en vaut un autre", en sango), où chaque personne est une personne", a-t-il souligné.
Il a délivré le même message dans un camp de déplacés à la paroisse du Saint-Sauveur, qui abrite 3.700 femmes et enfants, principalement chrétiens, déplacés par les violences. "Nous voulons la paix. Il n'y a pas de paix sans pardon, sans tolérance. Quelle que soit l'ethnie, la condition sociale, nous sommes tous frères". Et il a fait répéter à l'assemblée enthousiaste: "nous sommes tous frères".
Une immense joie se lisait sur les visages, et le pape a salué un à un des centaines d'enfants, en rang sur le sol de latérite au milieu de baraques et de tentes.
Les enfants portaient des pancartes sur lesquelles étaient inscrits en français et en anglais "paix", "égalité", "amour".
Parmi eux, Fidèle Nodjindorom affirmait: "le pape est venu pour demander à Dieu de nous sauver".
François doit ouvrir dans la soirée à la cathédrale de Bangui "une porte sainte" avant le "Jubilé de la miséricorde" qui s'ouvrira officiellement dans dix jours à Rome pour le monde entier.
Ouverture d'une porte au coeur de l'Afrique
Cette ouverture d'une porte au coeur de l'Afrique en proie aux conflits est pour lui le moment le plus important de sa visite à Bangui.
Les croyants peuvent faire un pèlerinage en traversant cette porte et obtenir ainsi la rémission de leurs péchés, selon la tradition catholique des Jubilés.
L'opportunité de maintenir la visite, alors que la situation n'est pas apaisée dans la capitale centrafricaine entre miliciens Séléka (majoritairement musulmans) et anti-Balaka (chrétiens), à quelques semaines de la date prévue des élections, avait été discutée jusqu'au dernier moment.
Dans la zone de l'aéroport, des dizaines de milliers de déplacés se sont installés pour chercher la protection des Casques bleus et des soldats français de l'opération Sangaris.
Les Casques bleus (10.900 hommes au total à travers le pays) et le contingent militaire français (900) comme la police centrafricaine quadrillaient Bangui dimanche.
Le dispositif sécuritaire a été renforcé sur les sites où se rend le pape, notamment l'enclave musulmane du PK-5 où se trouve la mosquée centrale et où François se rendra lundi matin.
Avec AFP