Les avenues des quartiers sud, en majorité habités par des Blancs, sont bordées d'immeubles et d'hôpitaux ultra-modernes. Dans les rues délabrées de la partie nord, où vivent surtout des Noirs, abondent les monts-de-piété, agences de crédit spécialisées dans les prêts pour des libérations sous caution, et les magasins d'articles d'occasion.
C'est à Baton Rouge que Gavin Long, un ancien Marine noir américain, a tué dimanche trois policiers avant d'être abattu. Ses motivations n'ont pas encore été éclaircies mais la tuerie a immédiatement rappelé celle de Dallas, le 7 juillet, où un tireur noir a tué cinq policiers, désireux de venger les homicides de Noirs par les forces de l'ordre.
Le massacre de Dallas a eu lieu pendant une manifestation qui, justement, dénonçait les violences policières après notamment la mort à Baton Rouge d'Alton Sterling, un vendeur ambulant noir tué par un policier blanc.
Les tueries de policiers à Dallas et Baton Rouge, la mort d'Alton Sterling et celle, le lendemain, d'un automobiliste noir abattu par un autre policier dans le nord du pays, toutes deux filmées et vues par des millions d'internautes, ont traumatisé l'Amérique, plongée cette été dans une profonde introspection sur les tensions raciales qui l'habitent.
Mais à Baton Rouge, comme dans de nombreuses villes américaines, la vision du problème varie selon la personne à laquelle on s'adresse. Dans la capitale de la Louisiane, de nombreux Noirs disent encore vivre sous la coupe de la ségrégation tandis que des Blancs estiment que le racisme appartient au passé.
"Malgré les appels à une plus grande égalité dans le système judiciaire, dans l'éducation, dans le développement économique, etc, certains vivent dans l'illusion qu'il n'y a pas de problèmes raciaux dans la ville", souligne Lori Martin, une sociologue spécialisée dans les études afro-américaines à l'université de Louisiane.
"Et parmi ceux qui reconnaissent que les inégalités existent à Baton Rouge, nombreux sont ceux qui tendent à en attribuer la faute à des individus et non aux institutions", ajoute-t-elle.
- 'Déni' -
Quelque 200 personnes, toutes blanches, s'étaient rassemblées lundi soir dans le sud de la ville, dans l'église Healing Place, pour une veillée en hommage aux policiers tués.
"Notre communauté est très unie. Les médias ne montrent pas la vérité en ce qui concerne les relations raciales", assure le pasteur Johnny Green.
"Je pense vraiment qu'il ne s'agit pas d'un problème racial. C'est un problème de coeur", renchérit l'une des assistantes à la cérémonie, Linda Furr, âgée de 66 ans, avant d’insister : "Je ne crois pas que nous ayons un problème de racisme ici".
Venue se recueillir devant un mémorial improvisé en honneur aux policiers, près du lieu où ils ont été tués, une femme blanche, refusant de donner son nom, ne voulait pas non plus croire au racisme. Les Noirs américains "pensent que la police les tue exprès. Je ne le crois pas", dit-elle.
Dans la partie nord de la ville, un autre mémorial improvisé a été érigé, cette fois en mémoire d'Alton Sterling. Des bouquets de fleurs ont été déposés et son visage reproduit sur un mur.
"Les gens sont dans le déni à Baton Rouge à propos des problèmes raciaux que nous avons", estime Anthony Nelson, un militant pour les droits des Noirs.
"Nos expériences quotidiennes sont totalement différentes de celles" des gens vivant dans les quartiers à majorité blanche, ajoute cet homme de 26 ans.
Baton Rouge arrive au huitième rang des villes américaines souffrant le plus de ségrégation, selon les données du site de statistiques FiveThirtyEight, et au deuxième rang dans le sud des Etats-Unis, où l'esclavage avait été défendu pendant la Guerre de sécession.
Et le chômage frappe particulièrement les Noirs en Louisiane, avec un taux deux fois plus important que chez les Blancs en 2015 (10% contre 5,2%). Comme dans la plupart des Etats américains.
Avec AFP