Deux ans après avoir annoncé cette emplette à 63 milliards de dollars (54 milliards d'euros), la plus importante d'un groupe allemand à l'étranger, Bayer a acheté les titres Monsanto pour 128 dollars par action et les a retirés de la cote à Wall Street.
Si l'intégration formelle ne débutera que dans "deux mois", Bayer enterre dès maintenant le nom sulfureux de sa cible, synonyme pour ses détracteurs des dérives de l'agrochimie, et associé à une cascade de procédures judiciaires.
Mais la disparition de l'étiquette Monsanto est de pure forme : les marques de la firme de Saint-Louis seront vendues à l'identique, de Dekalb (semences de maïs et colza) à De Ruiter (semences potagères) en passant par le célèbre Round up, herbicide au glyphosate mis en cause pour ses effets cancérogènes.
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Car Bayer, qui a poursuivi Monsanto de ses assiduités avant d'arracher son accord en septembre 2016, table sur le boulevard commercial qui s'ouvre au futur mastodonte face à la nécessité de produire plus sur des surfaces restreintes.
- Concentration -
"Nourrir une population mondiale croissante est un défi à long terme, auquel nous voulons contribuer", annonçait mardi dans le quotidien Handelsblatt le patron de Bayer, Werner Baumann.
En lançant l'opération, Bayer avait détaillé sa vision de la planète à l'horizon 2050, faite de dix milliards de bouches à nourrir, sur des terres arables limitées et perturbées par le réchauffement climatique.
Avec 115.000 salariés, 45 milliards d'euros de revenus combinés annuels dont 19,7 milliards pour la seule activité agrochimique, le futur ensemble prend la tête d'un secteur en pleine concentration.
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L'an dernier déjà, l'américain Dow Chemical avait épousé son compatriote DuPont puis le chinois ChemChina avait racheté le suisse Syngenta pour 43 milliards de dollars, deux mégafusions qui avaient alarmé les défenseurs de l'environnement.
Par ricochet, ces grandes manoeuvres ont fait grossir l'américain FMC, qui récupère des herbicides et insecticides de DuPont, et surtout l'allemand BASF, qui va mettre la main sur quelque 7,7 milliards d'euros d'activités cédées par Bayer pour amadouer les autorités de la concurrence.
Bayer mise sur la complémentarité entre ses produits phytosanitaires et l'avance de Monsanto dans "les biotechnologies des plantes", selon Werner Baumann, deux domaines qui nécessitent de tels efforts de recherche et développement que les positions acquises sont cruciales.
"Les trois nouveaux conglomérats", DowDupont, ChemChina-Syngenta et Bayer, "devraient contrôler plus de 60% du marché des semences et de l'agrochimie", "fournir la quasi-totalité des OGM" et "détenir la majorité des brevets sur les plantes", soulignait l'an dernier la Fondation Heinrich Böll, proche des Verts allemands.
- Inquiétudes -
Comme nombre d'associations écologistes, cette structure redoute que Bayer et ses deux concurrents ne "dictent les produits, les prix et les standards de qualité", tout en pesant en coulisses sur les décisions politiques.
"Le modèle de développement" incarné par le futur ensemble "est aux antipodes de la transition (...) vers un modèle soutenable et respectueux de l'environnement", déplore de son côté l'eurodéputé socialiste Eric Andrieu sur son compte Twitter.
Bayer réplique en promettant d'"écouter" et de "travailler avec" ses détracteurs, mais martèle que l'agriculture "est un sujet trop important pour que des divergences idéologiques empêchent le progrès", selon son patron.
Du sort du glyphosate, sur la sellette en Europe, à celui des organismes génétiquement modifiées, l'avenir du secteur dépend largement des futures politiques environnementales et de sécurité alimentaire.
Pour le quotidien Handelsblatt, la disparition de l'épouvantail Monsanto pourrait offrir "un nouveau départ", "sur des bases factuelles", "à la discussion" sur le rôle du génie génétique en agriculture - qui suscite des réactions très contrastées selon les zones géographiques.
"Les continents en plein développement sont l'Afrique et l'Amérique latine", tandis que les Etats-Unis et l'Asie "continuent de développer leur agriculture avec des préoccupations environnementales", alors que l'Europe se distingue par son hostilité aux OGM, résumait lundi le président de Bayer France, Franck Garnier, auprès de l'AFP.
Avec AFP