Les troupes kényanes, qui n'ont jamais participé aux opérations de l'ONU à Beni, "inspirent un peu confiance", commente auprès de l'AFP Adriel Tsongo, 30 ans, un habitant de la ville. "Mais nous ne faisons pas confiance à l'ONU, et on se demande si ces Kényans vont faire la différence au sein de la brigade très passive" des Nations unies, ajoute le jeune homme.
Beni, ville de quelque 200.000 âmes située au nord de la province du Nord-Kivu, est au coeur du territoire où opèrent les Forces démocratiques alliées (ADF), considérées comme le plus meurtrier des groupes armés qui sévissent depuis plus d'un quart de siècle dans l'est de la République démocratique du Congo.
Une mission des Nations unies est déployée dans le pays depuis plus de vingt ans. Appelée Monuc au début, puis Monusco, elle compte quelque 16.000 hommes et son budget annuel est d'environ un milliard de dollars.
Depuis 2013, une Brigade d'intervention rapide (FIB), au mandat plus offensif que le reste de la mission onusienne, est déployée à Beni, composée de bataillons tanzanien, sud-africain et malawite.
Ces dernières années, l'efficacité de cette mission a été très contestée localement, comme fin 2019 lorsque des manifestations violentes, à Beni notamment, ont visé des installations de l'ONU.
Afin de "relever la présence sur le terrain pour la protection des populations", il a été décidé de renforcer la FIB avec quatre "unités organiques d'intervention rapide", rappelle à l'AFP son porte-parole, le major Ari Foukory.
L'unité tanzanienne est arrivée il y a quelques mois, la kényane a pris ses quartiers lundi et des unités népalaise et sud-africaine sont attendues sous peu, a-t-il ajouté, sans préciser le nombre d'hommes concernés mais en soulignant leur spécialisation.
"Pas avec des casquettes de touristes"
"Pourquoi, après 20 ans d'échec de la Monusco, on ajoute d'autres troupes en disant qu'elles vont combattre plus que les autres?", s'emporte un autre habitant de Beni, Benjamin Sivanzire, étudiant, qui considère les soldats de l'ONU comme des "fainéants". Pour lui, les Kényans ne pourront pas faire mieux que les autres.
Kambale Musavuli, chauffeur de taxi, déplore que la présence de la Monusco n'ait pas empêché "les ADF à commencer à égorger les gens", juge même que la situation empire et souhaite que la Monusco "dégage".
Moins radical, Adriel Tsongo estime lui que "si les troupes kényanes veulent mériter la confiance de la population, elles doivent d'emblée mener des opérations aux bilans palpables". Sinon, "nous allons encore nous lever contre cette force qui ne nous aide en rien et exiger son départ".
Calvin Maliro, président de la jeunesse de la commune de Bungulu, dans la ville de Beni, juge aussi que "ce qui compte, c'est le résultat sur le terrain". "Je dois saluer la présence de la communauté internationale dans notre pays à travers la Monusco", dit-il, mais force est de constater "qu'on est déçu".
"On a entendu dire que les Kényans sont habitués aux combats contre les jihadistes", commente un autre représentant de la jeunesse, Jimmy Kighoma, pour qui ces nouveaux Casques bleus sont donc "les bienvenus". Mais il ne faut pas "qu'ils viennent avec des casquettes de touristes", lâche-t-il lui aussi.
"Nous comprenons qu'à force de vivre dans un contexte de tueries, de barbarie, de violations des droits de l'homme, la population soit exaspérée", déclare le porte-parole de la FIB. Il insiste par ailleurs sur le fait que l'ONU n'est pas dans la région pour se substituer à l'armée, mais que sa mission principale est d'"assurer la protection des civils".