A chaque pèlerinage chrétien, ses adeptes gravissent par milliers la colline de Banamè, dans le Zou (sud du Bénin), pour entendre "Dieu Esprit-Saint" réincarné en femme promettre de "chasser les démons".
L'autoproclamée "Dieu Esprit-Saint" de chair et d'os, qui se fait aussi appeler "Parfaite", est la fondatrice de ce culte évangélique apparu en 2009 et qui a étendu au fil des ans son influence à travers tout le pays.
"Rien qu'en faisant un tour sur cette colline, vous êtes délivrés et guéris de beaucoup de maux", promet le site internet de l'Eglise, qui diffuse des vidéos de foules acclamant une jeune femme au visage rond, vêtue d'une soutane et coiffée d'un chapeau rouge.
Parfaite - de son vrai nom Vicentia Tadagbé Tchranvoukinni - dit être descendue du ciel il y a 25 ans dans le nord du Bénin. Elle raconte avoir été trouvée bébé, abandonnée dans un buisson, par un berger peul.
En Afrique de l'Ouest, où pullulent les Eglises chrétiennes dites "de réveil", l'Eglise de Banamè pourrait n'être qu'un mouvement évangélique parmi tant d'autres.
Elle se distingue pourtant par des prêches virulents à l'encontre des autres religions ou croyances - particulièrement le vaudou, très répandu au Bénin. Les dérapages se sont multipliés depuis trois ans et Parfaite est sous le feu des critiques, accusée d'attiser la haine entre communautés.
Violents heurts
Dernier incident d'une longue série: le 8 janvier, de violents heurts ont opposé des habitants de Djimé (sud du Bénin) à des adeptes de la secte qui avaient "insulté et offensé" des chefs traditionnels au cours d'une "mission d'évangélisation", selon un responsable local sous couvert d'anonymat.
Aucun bilan officiel n'a été communiqué, mais le gouvernement a déploré "des pertes en vies humaines", et les médias locaux ont évoqué deux morts, plusieurs blessés et de nombreux véhicules incendiés.
Selon le quotidien La Nouvelle Tribune, "les guerriers de l'Eglise de Banamè" étaient arrivés affublés de gris-gris, armés de fusils artisanaux, de machettes et de gourdins.
En 2014, à Cotonou, l'organisation d'un rassemblement avait déjà dégénéré en affrontements avec des jeunes du quartier Kpondéhou, qui refusaient d'évacuer leur terrain de sport. Bilan: plusieurs blessés graves.
En novembre de l'année suivante, des violences ont encore eu lieu à Save (centre du Bénin), cette fois avec des catholiques.
Excommuniés
Ce culte qui défraie la chronique est au départ une dissidence de l'Eglise catholique romaine: elle naît en 2009 de la rencontre entre la future gourou et un prêtre de la paroisse Sainte-Odile-de-Banamè, Mathias Vigan.
Parfaite n'a pas encore 20 ans et vient se faire exorciser. C'est finalement la jeune femme qui envoûtera le religieux, qu'elle intronisera "Pape" quelques années plus tard, sous le nom de Christophe XVIII.
L'influence grandissante de ce couple étrange inquiète la Conférence épiscopale du Bénin, qui excommunie en 2013 Parfaite, Vigan et leurs fidèles.
"De tous les diocèses de notre pays et même au-delà (...) nos fidèles mal informés et assoiffés du sensationnel et du mirage du nouveau, accourent en grand nombre à Banamè", s'alarme alors la Conférence.
En janvier 2014, le gouvernement béninois lance une enquête, après avoir reçu de "nombreuses plaintes" de communautés religieuses et d'autorités politiques et traditionnelles.
Les autorités embarrassées
Le président de l'époque, Thomas Boni Yayi (lui-même membre d'un courant pentecôtiste), convoque Parfaite dans la foulée pour une mise au point qui aura peu d'effet. Aucune poursuite judiciaire ne sera engagée contre elle.
Sollicitée par l'AFP, la jeune femme a refusé de s'exprimer, accusant les médias de déformer ses propos.
"Les gens ne comprennent pas que l'Esprit-Saint Créateur du Ciel et de la Terre utilise le corps de Parfaite comme son temple", tente d'expliquer le "cardinal" Césaire Agossa, porte-parole de l'Eglise de Banamè.
Sa mission? "En finir avec le règne de Belzébul (Belzébuth), parvenir à exterminer la sorcellerie et tous les mauvais esprits qui empêchent l'Homme de se développer". Mais, assure-t-il à l'AFP, "nous n'avons jamais orchestré de violences".
Pour cet ancien conseiller ministériel, patron d'un groupe de presse, le succès de Banamè "suscite la jalousie et la haine".
L'Eglise a encore fait parler d'elle fin janvier, lorsque cinq fidèles sont morts asphyxiés dans le sud du pays, après avoir inhalé de l'encens.
Les bâtons auraient été "distribués ou vendus à des fidèles qui devaient passer la journée (...) enfermés pour prier à l'occasion d'une +journée de délivrance+", a expliqué une source au ministère de la Santé.
Les frasques de Parfaite semblent embarrasser le gouvernement actuel. Patrice Talon, élu président en mars 2016 - et auquel "Dieu Esprit-Saint" avait affiché son soutien durant la campagne - n'a jusque-là jamais condamné publiquement l'Eglise de Banamè.
Avec AFP