A travers le geste de M. Zinsou et au terme d'un scrutin qui s'est déroulé dans le calme, le petit pays ouest-africain, le premier d'Afrique francophone à avoir entamé une transition démocratique au début des années 1990, a montré un nouvel "exemple de démocratie", soulignaient lundi de nombreux internautes sur les réseaux sociaux.
M. Talon, 57 ans, personnage incontournable du monde des affaires béninois, était soutenu par 24 candidats du premier tour réunis au sein de la "coalition de la rupture" pour contrer l'ex banquier d'affaires franco-béninois Lionel Zinsou, candidat du camps du président sortant Thomas Boni Yayi, qui se retire au terme de deux mandats, conformément à la Constitution.
"Les résultats provisoires font apparaître une victoire très nette de Patrice Talon", a déclaré M. Zinsou par téléphone à l'AFP.
"L'écart est significatif, la victoire électorale (de M. Talon) est certaine", a-t-il ajouté, sans souhaiter donner de chiffres.
Le président de la Commission électorale (Céna) Emmanuel Tiando a assuré lundi à la mi-journée que tout était mis en oeuvre pour que des premiers chiffres officiels puissent être communiqués "dans les 48 heures".
Dans la nuit, le quotidien béninois La Nouvelle Tribune a publié sur son site des estimations de l'Institut béninois des sondages, donnant 64,8% des voix à M. Talon, contre 35,2% à M. Zinsou. Ce sondage, réalisé dans 394 bureaux de vote représentatifs, ne porte néanmoins que sur 3% des suffrages exprimés.
Dès dimanche soir, Oswald Homéky, porte-parole de M. Talon, avait affirmé à l'AFP que son candidat avait "confirmé sa suprématie là où il avait déjà gagné au premier tour" et qu'il avait remporté de nouvelles région, jusqu'ici plus favorables à M. Zinsou, "notamment dans le Nord".
"L'écart est tel que la victoire est assurée", avait-il affirmé.
Concernant le scrutin lui-même, "tout s'est bien passé, rien de grave à signaler" à part quelques "tentatives de bourrages d'urnes" en cours de vérification, a déclaré à l'AFP le général Mathieu Boni, un des responsables d'une plateforme de la société civile qui avait déployé quelques milliers d'observateurs.
M. Zinsou a précisé à l'AFP avoir appelé M. Talon dimanche dans la soirée "pour le féliciter de sa victoire, lui souhaiter bonne chance et (se) mettre à sa disposition pour la préparation des dossiers de transition".
- 'Conversation cordiale' -
"J'ai eu une conversation cordiale avec lui", a-t-il ajouté.
Si quelques scènes de liesse ont pu être observées dimanche soir à Cotonou, la capitale économique, largement favorable à Patrice Talon, le calme était revenu lundi matin. Les journaux, pris de cours par l'annonce tardive de M. Zinsou, ne faisaient pas mention de l'issue du scrutin.
M. Talon, qui s'est accordé quelques heures de repos après une nuit blanche, selon ses proches conseillers, ne s'était toujours pas exprimé en début d'après-midi.
La réussite sociale de ce "self-made man" et son goût pour le luxe font rêver une partie de la jeunesse béninoise, qui voit en lui celui qui saura créer des emplois et de la richesse à l'échelle du pays.
Peu diversifiée, l'économie de ce pays de 10,6 millions d'habitants s'appuie essentiellement sur l'agriculture et le commerce de transit et de réexportation vers son grand voisin et principal partenaire, le Nigeria.
Le prochain président béninois, qui doit être investi le 6 avril, "peut être une chance pour le Bénin s'il met en oeuvre son programme notamment en matière de réformes institutionnelles" en faveur d'une meilleure répartition des pouvoirs, estime le chercheur Gilles Yabi, fondateur du cercle de réflexion ouest-africain Wathi, basé à Dakar.
Mais "on peut avoir un certain nombre de réserves quant à la personnalité" de ce personnage controversé et il ne faut pas oublier qu'il est "lui-même en partie responsable du bilan de Boni Yayi", ajoute M. Yabi.
M. Zinsou, plume du Premier ministre français Laurent Fabius dans les années 80, avait quitté son poste à la tête de PAI Partners, un des plus gros fonds d'investissement européens, pour devenir Premier ministre du Bénin en juin 2015.
Tout au long de la campagne, il a été traité de "yovo" ("Blanc") par ses détracteurs, qui lui ont reproché d'être "parachuté" par la France, l'ancienne puissance coloniale, pour raviver les réseaux de la "Françafrique".
Avec AFP