Tout juste a-t-elle concédé que les militaires auraient pu "mieux gérer" la crise, qualifiée de génocide par l'ONU, qui a conduit à l'exode au Bangladesh de 700.000 membres de la minorité musulmane rohingya depuis l'été 2017.
Les deux reporters "n'ont pas été emprisonnés parce que c'étaient des journalistes" mais parce que "le tribunal a décidé qu'ils avaient enfreint" la loi, a-t-elle dit lors du Forum économique mondial de l'Association des Nations d'Asie du Sud-Est à Hanoï, commentant pour la première fois ce jugement prononcé le 3 septembre.
"Si nous croyons en l'État de droit, ils ont tout à fait le droit de faire appel du jugement", a-t-elle préconisé, alors que l'indépendance du système judiciaire birman est sujet à caution.
"Beaucoup d'observateurs voyaient dans ce procès un test pour la liberté des médias, la démocratie et l'Etat de droit dans le pays. Il est plutôt clair que ce test a échoué", a dénoncé jeudi la cheffe de la diplomatie de l'UE Federica Mogherini, tandis que le Parlement européen a réclamé la libération immédiate des journalistes.
"Une fois de plus, Aung San Suu Kyi a faux sur toute la ligne (...) Elle ne comprend pas que l'+état de droit+ implique que soient respectées les preuves présentées à l'audience", a critiqué l'ONG Human Rights Watch, réagissant à cette rare prise de parole de la dirigeante birmane.
Amnesty International, par la voix d'un porte-parole, Minar Pimple, a fustigé "une tentative honteuse de la part d'Aung San Suu Kyi de défendre l'indéfendable", décrivant ses commentaires comme une "représentation déformée des faits".
Sean Brain, de la Commission internationale des juristes, ONG internationale ayant suivi de près le procès, a aussi contredit Suu Kyi, dénonçant un procès ayant été "un échec manifeste de l'état de droit".
La Prix Nobel de la Paix a été très critiquée à l'étranger pour son silence dans cette affaire, au point d'être qualifiée de "porte-parole des militaires" par un haut responsable de l'ONU.
Campant sur sa ligne de défense, elle s'est aussi montrée imperméable aux accusations contre l'armée birmane venues de l'ONU, qui a parlé fin août de "génocide" de la minorité musulmane des Rohingyas.
- Blocage du gouvernement -
"A posteriori, il y a bien sûr des façons dont la situation aurait pu être mieux gérée", a-t-elle dit en marge du Forum économique à Hanoï.
Après des mois de blocage par le gouvernement birman, des fonctionnaires de l'ONU ont débuté mercredi une mission en Birmanie afin d'évaluer les conditions d'un éventuel retour des centaines de milliers de Rohingyas qui ont fui le pays.
Cette mission intervient dans un contexte de grande tension entre la Birmanie et les Nations Unies.
Des enquêteurs de l'ONU avaient demandé en août que des poursuites soient engagées contre le chef de l'armée et cinq hauts gradés.
La Cour pénale internationale s'était ensuite déclarée compétente pour enquêter sur certains des crimes perpétrés.
Aung San Suu Kyi est directement visée par le rapport des experts de l'ONU, qui déplore qu'elle n'ait pas utilisé son "autorité morale" pour tenter de faire cesser les atrocités.
En 2017, sous la menace de l'armée et de milices bouddhistes, plus de 700.000 Rohingyas ont fui le pays. Ils ont trouvé refuge dans d'immenses campements de fortune au Bangladesh.
Un accord de rapatriement a été signé entre Dacca et Naypyidaw fin 2017, mais le processus est au point mort, les deux pays se rejetant mutuellement la faute. Les réfugiés rohingyas refusent, quant à eux, de revenir tant que leur sécurité et leurs droits ne seront pas garantis.
Le rapport complet des enquêteurs de l'ONU est attendu le 18 septembre, et la Birmanie sera au centre des attentions lors de la prochaine Assemblée générale des Nations unies.
Avec AFP