L'ex-dissidente et prix Nobel de la paix est sous le feu des critiques de la communauté internationale pour son silence sur le sort de cette minorité musulmane du pays, qui fuit à nouveau en masse la Birmanie.
D'après les derniers chiffres des Nations unies, plus de 370.000 Rohingyas se sont réfugiés au Bangladesh depuis fin août, pour fuir une campagne de répression de l'armée birmane, consécutive à des attaques de rebelles rohingyas.
Et des milliers d'autres seraient toujours sur les routes.
Les réfugiés arrivent au Bangladesh épuisés, démunis, affamés, après des jours de marche sous la pluie. Autorités locales et organisations internationales peinent à prendre en charge cette marée humaine, d'une ampleur sans précédent pour ce conflit.
Le fleuve Naf, qui marque une frontière naturelle entre les deux pays, continue de charrier des cadavres: sept nouveaux corps, dont des enfants, ont été retrouvés échoués sur la rive mercredi par les autorités bangladaises. Certaines dépouilles portaient des traces de balles.
Depuis le début des troubles, près de 100 personnes ont péri noyées en tentant de passer au Bangladesh.
Bien que sous le feu des critiques internationales, Aung San Suu Kyi reste très peu loquace sur la crise et continue d'afficher son soutien à l'armée dans son opération contre les "terroristes".
L'ancienne icône de la démocratie, qui semble s'enfoncer dans son silence, "n'assistera pas à l'Assemblée générale de l'ONU" fin septembre, a annoncé à l'AFP Zaw Htay, son porte-parole.
L'an dernier, à la tribune de cette Assemblée générale, la prix Nobel de la paix, qui dirige de facto le gouvernement birman depuis avril 2016, s'était engagée à soutenir les droits de la minorité musulmane.
Elle avait promis de "s'opposer fermement aux préjugés et à l'intolérance" et de promouvoir les droits de l'homme, tout en demandant "à la communauté internationale de se montrer compréhensive et constructive" à ce sujet.
Soutien de la Chine
Mais cette nouvelle crise est au contraire "un exemple classique de nettoyage ethnique", caractérisé par "exécutions", des "tirs sur des civils en fuite" et des incendies de villages, d'après le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Zeid Ra'ad Al Hussein.
Malgré ces accusations, la réunion, à huis clos, du Conseil de sécurité prévue à 15H00 GMT s'annonce divisée: la Chine, qui est le premier investisseur étranger en Birmanie, a réitéré mardi son "soutien" à Naypyidaw et loué "ses efforts pour préserver la stabilité de son développement national".
Traités comme des étrangers dans ce pays à plus de 90% bouddhiste d'Asie du Sud-Est, les Rohingyas sont apatrides, même si certains vivent là depuis des générations.
Ils sont victimes de multiples discriminations: travail forcé, extorsion, restrictions à la liberté de mouvement, règles de mariage injustes et confiscation des terres.
Plusieurs prix Nobel de la paix, Malala Yousafzai et l'archevêque sud-africain Desmond Tutu puis le dalaï lama, admiré par Aung San Suu Kyi, l'ont appelée à intervenir.
Mais la tâche d'Aung San Suu Kyi est compliquée par la montée des bouddhistes extrémistes ces dernières années. Et surtout par la grande autonomie de l'armée birmane, qui reste toute puissante dans cette zone de conflit et tient les rênes de trois ministères importants: l'Intérieur, les Frontières et la Défense.
La cause des Rohingyas a trouvé ces derniers jours un écho particulier dans le monde musulman, où les images présentées comme des exactions de l'armée birmane sont largement partagées sur les réseaux sociaux. Mardi, le guide suprême iranien Ali Khamenei a estimé que leur sort marquait "la mort du prix Nobel de la paix".
Avec AFP