Le jugement a été salué à l'extérieur du tribunal par des musulmans conservateurs qui scandaient: "Dieu est le plus grand!". Les cinq juges sont allés beaucoup plus loin que le parquet qui avait requis du sursis, en ordonnant en outre l'incarcération du prévenu.
Si certains de ses partisans ont éclaté en sanglots à la lecture de la sentence, le gouverneur Basuki Tjahaja Purnama a de son côté gardé son calme, annonçant cependant d'emblée son intention de faire appel.
Il a ensuite été conduit dans une prison de Jakarta, mais on ignore s'il demeurera en détention une fois qu'il aura fait appel.
L'affaire qui a éclaté l'année dernière est directement liée à la campagne pour l'élection au poste de gouverneur, que Basuki Tjahaja Purnama, surnommé Ahok, a perdue en avril. Il demeure cependant gouverneur jusqu'en octobre.
Connu pour son franc-parler, Ahok avait déclaré en septembre que l'interprétation par certains oulémas (théologiens musulmans) d'un verset du Coran -selon lequel un musulman ne doit élire qu'un dirigeant musulman- était erronée, provoquant une vague de contestation dans ce pays d'Asie du Sud-Est où toute référence à l'islam est très sensible.
Cette déclaration avait été instrumentalisée par des islamistes partisans d'une ligne dure, des experts dénonçant des motivations politiques.
'Musulmans blessés'
Sous la pression de manifestations monstres et des appels à l'emprisonner, le gouverneur a été inculpé fin 2016 de blasphème, délit pour lequel il était passible de cinq ans de prison.
Naguère porté par des sondages favorables, le gouverneur a finalement été battu par l'ancien ministre de l'Education, le musulman Anies Baswedan.
Le président du tribunal, le juge Dwiarso Budi Santiarto a déclaré mardi que les cinq magistrats avaient estimé que Basuki Tjahaja Purnama était "de façon probante, coupable de blasphème" et l'avaient "condamné à deux ans de prison".
Abdul Rosyad, un autre juge, a justifié cette sévérité par le fait que le prévenu ne ressente "aucune culpabilité" et qu'il ait "suscité la colère et blessé les musulmans".
Cette décision est une surprise car les tribunaux vont généralement rarement au-delà des réquisitions.
Le procureur en chef, Ali Mukartono, avait demandé le mois dernier un mois de prison avec sursis, avec deux années de mise à l'épreuve.
"Je suis déçu et triste", a déclaré à l'AFP un de ses partisans, Octa de Queljoe. "C'est très rare qu'un jugement soit plus sévère que ce qu'a demandé le procureur".
'Déclin des libertés'
Des centaines de musulmans conservateurs se félicitaient de cette issue.
"Dieu merci, il doit être emprisonné. Il nous a insultés", a déclaré Bachtiar, 38 ans, qui comme beaucoup d'Indonésiens n'a qu'un seul nom.
Certains regrettaient même que le gouverneur n'ait pas écopé de la peine maximale.
"Nous sommes contrariés. Il aurait dû prendre cinq ans", a déclaré Novareinita Zein, une femme au foyer de 46 ans.
Ahok, premier gouverneur non musulman depuis un demi-siècle et premier issu de la minorité chinoise, avait accédé automatiquement à cette fonction en 2014, après l'élection à la présidence de son prédécesseur Joko Widodo, dont il était alors l'adjoint.
L'influent poste de gouverneur de la capitale de 10 millions d'habitants est considéré comme un tremplin pour la présidentielle de 2019.
M. Purnama était crédité de bons sondages avant que le scandale n'éclate en raison de sa détermination affichée à lutter contre les embouteillages et la pollution à Jakarta.
Le procès avait débuté en décembre et duré de longs mois, chaque camp appelant plus d'une quarantaine de témoins à la barre.
L'affaire a mis en lumière l'influence croissante de musulmans conservateurs partisans d'une ligne dure dans ce pays de 255 millions d'habitants pratiquant en grande majorité une forme d'islam modéré.
"C'est une nouvelle étape importante dans le processus lent de déclin des libertés religieuses en Indonésie", a déclaré à l'AFP Andreas Harsono, un chercheur indonésien de Human Rights Watch.
Avec AFP