Face à la pression du président américain Donald Trump d'imposer des sanctions commerciales, le Mexique a renforcé la présence des forces de l'ordre pour tenter de freiner le flux de migrants venant d'Amérique centrale.
Si les migrants centraméricains se cachent désormais aux abords de la ville, dans la crainte d'expulsions, les Haïtiens et Africains s'intègrent dans le paysage et la vie quotidienne de Tapachula. Et c'est inédit, dans un pays où la population d'ascendance africaine est très faible.
Les nouveaux arrivants sillonnent les rues du quartier, discutent en groupes ou effectuent diverses activités. Au bord de la route, se déroulent séances de pédicure, ventes de produits alimentaires ou encore travaux de soudures dans un atelier improvisé.
"Ils sont aimables et gentils, mais quelques-uns sont remontés. La plupart veulent toujours acheter au prix qu'ils fixent eux et pas au prix réel" raconte Ismael Gonzalez, un Mexicain qui gère un modeste cybercafé dans ces rues boueuses où les déchets s'accumulent.
- Expulsé -
Le cybercafé se trouve au rez-de-chaussée d'un immeuble où des chambres sont louées à une trentaine de locataires, presque tous Haïtiens et Africains, au prix de 18 pesos par nuit (0,94 dollar).
Le propriétaire de l'hôtel, un pasteur évangélique de 26 ans, Gonzalez, accueille en priorité des personnes voyageant avec des enfants. Il avoue avoir refusé de falsifier pour eux des documents administratifs, même s'il comprend le désespoir de ces migrants.
Lui-même a été expulsé des Etats-Unis en novembre dernier après 23 ans passés en Californie. Malgré le durcissement de la politique migratoire du gouvernement américain, les migrants espèrent obtenir un titre de séjour pour traverser légalement le Mexique jusqu'à la frontière nord.
"Les Etats-Unis aident la République démocratique du Congo (RDC), ils savent que le pays est en guerre", commente Moises Bumba, 33 ans.
Il est arrivé ici en mars avec son épouse et son fils, après avoir voyagé six mois depuis le Brésil. Leur séjour prolongé au Mexique et leurs maigres ressources les ont obligés à dormir dans la rue, près des locaux des autorités migratoires. "Ce que nous attendons du gouvernement mexicain se limite à nous fournir des papiers pour poursuivre", indique-t-il.
- 'Liberté! Liberé!' -
Pour beaucoup toutefois, Tapachula est le terminus du voyage. Si les nouveaux arrivants pensent pouvoir obtenir un visa, de nombreux autres attendent leur expulsion, enfermés dans les deux centres de rétention de la ville de l'extrême Sud mexicain.
Cette situation a déjà provoqué plusieurs émeutes. Mardi, des centaines de migrants de différentes nationalités ont protesté contre leur enfermement aux cris de "Liberté! Liberté" et réclamés de l'eau et de la nourriture.
Francisco Garduño, responsable national des migrations, a averti que les Africains cesseraient de recevoir des visas régionaux, qui leur permettent de circuler uniquement dans les Etats du Sud du pays.
Beaucoup les utilisent pour atteindre la frontière américaine et "cela génère des problèmes, alors nous n'allons pas pouvoir poursuivre cette politique" indique M. Garduño à l'AFP.
- Solidarité et plats camerounais -
Dans cette situation peu encourageante, Pamela Agendia Tazi trace son chemin avec volontarisme.
Cette Camerounaise est arrivée il y a deux semaines avec sa mère, après avoir traversé l'Amérique centrale. Sur la route, elle a fait une fausse couche et souffert d'une infection qui l'ont maintenue hospitalisée pendant plusieurs jours.
Sans argent, elles ont demandé de l'aide au propriétaire qui les logent à Tapachula. Il leur a fourni des ustensiles et les ingrédients nécessaires pour monter un petit commerce d'alimentation.
Déambulant, les bras chargés de pots de bananes et de ragoût de porc à la camerounaise, Pamela a confiance dans les agents de l'immigration: le 4 juillet, elle recevra un visa mexicain pour continuer son voyage jusqu'à la frontière, et ensuite rejoindre sa soeur qui vit dans l'Indiana, aux Etats-Unis.
"Je suis une mère célibataire depuis 11 ans, alors je travaille dur pour prendre soin de mes enfants", explique-t-elle à l'AFP. Elle a laissé ses trois enfants dans le sud-ouest du Cameroun, secoué par un conflit séparatiste. Mais elle reste confiante: elle sait que tôt ou tard, ils se retrouveront.
Avec AFP