Une initiative de paix syrienne commence à prendre forme à Genève. Une issue diplomatique, négociée, est-elle envisageable ? Une issue qui verra la fin des massacres et l’atteinte de l’objectif déclaré des Etats-Unis, soit le départ du président syrien Assad?
Bob Corker : "Très difficile à ce stade, je pense. Certains membres de l'opposition avec qui nous avons parlé la semaine dernière ont été mis dans une situation très maladroite. Les besoins humanitaires qu'ils avaient demandés n’ont pas été réalisés. Même pas la libération des femmes et des enfants nés de viol des prisons d'Assad. Donc, je pense qu’il sera très difficile de voir une telle issue. Je soutiens certainement des discussions diplomatiques, comme tout le monde d’ailleurs, mais les éléments à l'heure actuelle ne tendent pas dans cette direction, surtout comme vous le savez, la situation sur le terrain continue de changer. Vous avez la Russie qui est intervenue et certainement le régime d'Assad - en raison de ce soutien et celui de l'Iran – a fait des gains qui ne sont pas en faveur des Syriens. Les changements sur le terrain sont tels qu’il est très difficile de trouver une sortie satisfaisante à l'heure actuelle."
Un départ volontaire du président Assad est-il concevable?
Bob Corker : "Pour le moment, vu ses gains sur le terrain, aucune des exigences imposées par la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU n’a été réalisée. En d'autres termes, il n’a franchi aucune de ces étapes: il n'a pas cessé de bombarder ses propres citoyens ; il n'a rien fait sur la question humanitaire. Il n’est pas en train de traiter cette demande, pourtant élémentaire et facilement réalisable, nous semble-t-il. Les événements sur le terrain sont en sa faveur. Il me semble que le contexte est tel qu’il ne se voit pas contraint de le faire."
La semaine dernière, votre commission a approuvé des sanctions, des sanctions plus sévères contre le programme nucléaire de la Corée du Nord, en particulier contre des entités qui aident Pyongyang en matière d’approvisionnement et du financement de son complexe militaire. Serait-il juste de supposer que certaines de ces entités soient chinoises? Et que certaines complications pourraient en découler?
Bob Corker : "Oui, je ne pense pas qu'il y ait de doute que certaines de ces entités soient chinoises. Nous avons parlé avec notre ambassadeur à l'ONU et à l'administration par rapport aux efforts qu'ils essaient de faire à travers, une fois encore, le Conseil de sécurité de l'ONU pour que la Chine se joigne à ces efforts. Je sais que ces efforts progressent très lentement, et ce, dès le départ. La Chine n’a pas réagi de manière satisfaisante, d’après ce que j’ai pu comprendre. Alors oui, le Congrès doit agir. Il me revient que les discussions au Conseil de sécurité des Nations unies sont probablement ... qu’il n’y aura pas de progrès positifs que nous aimerions tous voir. Et donc oui, certaines de ces entités sont des entités chinoises et c’est une honte. Le pays qui pourrait vraiment faire reculer la Corée du Nord est bien la Chine. Comme vous le savez, ils sont guidés par la stabilité. Ils ne veulent pas faire de vagues. Mais je pense que ces sanctions pourraient apporter des changements et nous espérons qu’elles les inciteront à répondre d'une manière différente."
Pour les Etats-Unis, la Corée du Nord est un problème de l'autre côté de l’océan, mais pour ses voisins, la Corée du Nord est très proche de chez eux.
Bob Corker : "Tout à fait."
Lorsque vous étudiez la question des sanctions, avez-vous tenu compte du principe des conséquences imprévues? D’aucuns ne qualifient pas ce régime comme étant particulièrement stable ou rationnel.
Bob Corker : "Je sais très bien que nous disposons de 28.500 troupes dans la région. Je les ai visitées récemment. Je suis très conscient que Séoul est à portée de l'artillerie dont disposent les Nord-Coréens. Je suis très familier avec les souhaits de la Chine, encore une fois ... Le plus grand souhait de la Chine est la stabilité. Mais je dirais que des conséquences involontaires peuvent découler du fait de ne rien faire."
La communauté internationale a été très engagée en ce qui concerne l’Iran, qui est beaucoup plus loin derrière la Corée du Nord en matière de développement d'une arme nucléaire. Toutefois, en trois administrations dans ce pays, nous n’avons vu que des échecs complets en ce qui concerne la Corée du Nord. Donc les gens comprennent que cela ne peut pas continuer si nous voulons arriver à des solutions. Ils continuent leurs essais de missile balistique. Et comme vous l'avez dit, ils sont très instables et, par conséquent, peuvent éventuellement prendre des décisions irrationnelles plus tard.
Bob Corker : "Alors, soit il nous faut faire certaines choses maintenant pour essayer de changer cette trajectoire, soit nous retrouver avec quelqu'un qui est très instable et qui peut utiliser cette instabilité pour dominer la région et créer de l'instabilité pour nos voisins. Je pense donc que c’est la bonne chose à faire. Oui, nous nous inquiétons toujours des conséquences inattendues. Peut-être que cela va secouer la Chine à une telle enseigne qu’elle prendra les mesures qui s’imposent."
Vous avez parlé de l'Iran et vous avez été très critique vis-à-vis de l'accord nucléaire international avec l'Iran. Maintenant qu'il est en vigueur, pour le meilleur ou pour le pire, voulez-vous qu'il réussisse et y a-t-il des choses qu’un Congrès républicain peut faire pour l'aider à réussir ?
Bob Corker : "Évidemment, l’accord ne me plaît pas à cause du changement qui vient d'avoir lieu en terme d’influence et de marge de manœuvre, car l'Iran a maintenant accès à un grand nombre de ressources dont il ne disposait pas avant. Et le fait est qu’à mon avis, il a continué ses activités de recherche et de développement en vue d’atteindre un but qui est, selon moi, d’être sur le point d'avoir une arme nucléaire."
Donc, je ne l’ai pas appuyé, mais, bien sûr, je veux que cet accord réussisse. Je veux de bonnes choses pour notre pays, je veux de bonnes choses pour la région, et, oui, je veux que ce soit un succès. Je pense que nous pouvons le renforcer en maintenant la pression sur l’Iran—et vous avez parlé de Congrès républicain, mais cela doit se faire d'une manière bipartisane parce qu'il y a des préoccupations des deux côtés à ce sujet.
Depuis l'adoption de l’accord, les Iraniens ont violé les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies relatives aux essais de missiles balistiques. Et pourtant, on constate qu'il n'y a pas du tout de réaction au Conseil de sécurité de l'ONU contre ce comportement, ce qui a été très décevant.
Bob Corker : "Je pense que l’on peut voir ainsi comment la coalition va être à l'avenir. EIle ne va pas réagir avec fermeté. Je veux dire, il y a trop d'intérêts économiques qui existent en Europe. La Russie est intéressée à vendre des armes, la Chine s’intéresse au pétrole et ainsi, vous n’allez pas assister à une réaction collective, de manière correcte, au Conseil de sécurité de l'ONU. Donc je pense que ce que vous allez voir ici sur une base bipartisane, sachant que cela est susceptible de ne pas se produire (à l’ONU), c’est que nous allons déterminer le moment où une violation se produit, puis réagir quand elle survient. Faire comprendre à l'Iran que les violations ne sont pas sans importance, c’est le seul moyen d’assurer le succès de cet accord."
Beaucoup de républicains au Congrès disent que l'accord doit être abrogé dès qu’un nouveau président arrive à la Maison-Blanche et, en fait, beaucoup de vos collègues espèrent être ce président. Étant donné que les plus proches alliés de l'Amérique ont aidé à négocier l'accord nucléaire, dans la pratique, les Etats-Unis peuvent-ils tout simplement décider de l’abandonner ?
Bob Corker : "Oui, je suis déçu de nos alliés et je l'ai exprimé directement parce que, encore une fois, je pense que tant d'intérêts économiques ont influencé cette décision. En d'autres termes, […] la plupart des choses n’ont pas été faites dans le vide, mais il y a d'autres éléments qui ont poussé les parties à aller au-delà de ce qu’elles auraient dû accepter pour parvenir à cet accord.
Dans le même temps, je pense qu’un nouveau président va judicieusement considérer la situation telle qu’elle est à ce moment précis. Il/elle prendrait en compte les violations éventuelles et envisagerait les décisions à prendre. Je pense que, de toute évidence, dans des élections primaires, tout le monde veut avoir l'air d’être le plus fort, mais je pense que le prochain président va vouloir évaluer la situation en temps réel et rechercher la meilleure façon d'empêcher l'Iran d'obtenir une arme nucléaire."
L’attente, semble-t-il, au niveau de l'électorat, c’est que l’avènement d’un président signifierait la fin de l’accord. Vous semblez dire que c’est plus compliqué que cela...
Bob Corker : "Je pense que ... vous avez eu quelques-uns des candidats, je pense qu'ils vont évaluer les choses, comme ils l'ont dit. Mais parfois, dans les primaires de ce genre, les gens s’expriment de façon à montrer leur détermination. Et, soit dit en passant, quelqu'un qui vient et qui prend son temps pour évaluer la situation et essayer de comprendre la meilleure façon d'aller de l'avant peut avoir encore plus de détermination, dans certains cas, parce qu’il vous faut calculer de manière à conserver vos alliés. L’un des facteurs ayant favorisé l’efficacité des sanctions-- et c’est pourquoi je suis tellement déçu que nous ayons convenu d'un accord qui a déplacé la force de pression -- est que nous avions une coalition internationale. En fait, j’ai fait adopter un amendement dans l'une des commissions (du Congrès) pour que les sanctions mises en place soient internationales.
Encore une fois, je pense que ce que le nouveau président va vouloir faire, grâce au pouvoir de la présidence-- et avouons-le, les États-Unis sont la plus grande puissance sur terre- c’est de regarder l’état de l'accord à ce moment-là et essayer de rallier nos partenaires, de sorte que si nous pensons que ce que nous avons fait est quelque chose qui va conduire à une arme nucléaire, et personnellement je pense que oui, c’est d'essayer de changer cette direction. Et probablement la meilleure façon de le faire est de ne pas abroger l'accord, mais l’évaluer et aller de l'avant en fonction de la réalité du moment."
Le groupe Etat islamique a subi quelques revers sur le champ de bataille, mais il semble que ses tentacules s’étendent malgré tout de la Libye à l’Afghanistan. Vous avez déjà décrit les efforts déployés par les Etats-Unis comme étant trop tardifs. Est-ce encore le cas ?
Corker: Oui. Par exemple je reviens du Qatar, qui abrite un centre de coordinations des opérations dans la région…soit dit en passant j’ai été très impressionné par la qualité de notre leadership sur le terrain. Par la suite, je suis allé en Afghanistan, où le groupe Etat islamique s’est établi, et alors que j’étais là-bas, croyez-le ou non, nos soldats pouvaient attaquer al-Qaeda, mais pas l’Etat islamique. Ma foi, c’est ridicule ! C’était un point faible, si vous voulez, dans notre manière d’opérer.
Heureusement que [le secrétaire à la Défense] Ash Carter a changé la situation et nos forces militaires sur le terrain peuvent maintenant mener des opérations contre l’EIIL ou Daech. Aucun d’entre nous ne devrait leur faire le compliment de les appeler Etat islamique en Irak et au Levant, ou Etat islamique en Irak et en Syrie. Nous devrions les appeler Daech. Mais, oui, nous avons été en retard et je doute d’être démenti à ce sujet.
Une dernière question : le département américain du Trésor a désigné Vladimir Poutine, le président russe, comme "corrompu". J’aimerais savoir ce que vous en pensez. Est-ce une décision qui aurait du être prise depuis longtemps déjà ?
Bob Corker : "Vous savez ce qui est intéressant ? J’ai pris part, samedi, à une autre réunion et ce qui est fascinant, c’est que le peuple russe commence à voir, et je pense que c’est peut-être la première fois dans l’ère moderne, le peuple russe commence à se rendre compte qu'il a un chef qui a amassé une énorme richesse personnelle et je pense que cela va créer une certaine instabilité supplémentaire en Russie. Comment un ancien agent du KGB peut-il entrer au gouvernement et accumuler la richesse qu'il possède, organiser ces mariages somptueux, aux yeux de tous ? […] Je pense qu’il deviendra évident pour davantage de Russes que, durant son mandat, il a amassé, selon moi, une richesse de plusieurs milliards de dollars.
Vous ne pouvez pas y arriver à travers des opérations normales du gouvernement. Cela doit être le fruit de la corruption et au fil du temps, je pense que ça va contribuer à déstabiliser son régime quand les (Russes) seront mieux informés de cette situation."