Ce sont les premières images de ce type jamais publiées par le groupe nigérian Boko Haram, dont l'insurrection armée et sa répression ont fait quelque 20.000 morts et 2,6 millions de déplacés depuis 2009.
Cette vidéo de sept minutes, que l'AFP a visionnée, provient de la faction dirigée par Abubakar Shekau, en proie à de graves divisions depuis qu'il a été mis sur la touche par l'EI au profit d'une faction rivale l'an dernier.
On y voit trois hommes habillés de combinaisons orange - caractéristique des exécutions de l'EI -, accusés d'espionnage pour le compte du gouvernement nigérian et sont interrogés avec le drapeau noir de l'EI en fond.
Les mains attachées dans le dos, les hommes sont ensuite emmenés en file indienne sur un chemin de brousse par des jihadistes masqués et vêtus de noir jusqu'à un terrain dégagé où au moins l'un d'entre eux est décapité avec un sabre.
"Ce sont vos espions qu'Allah a découverts", assène un homme juste avant l'exécution.
Aucune indication ne permet de savoir ni où ni quand cette exécution s'est déroulée.
Boko Haram avait déjà diffusé par le passé des images insoutenables, comme la décapitation d'un pilote de l'armée de l'air nigériane et des amputations de membres sur des civils, même si la mise en scène copiant la propagande des exécutions en Syrie ou en Irak est inédite.
"Shekau veut montrer qu'il représente encore une force avec laquelle il faut compter, c'est une démonstration de force", analyse Yan St-Pierre, consultant en contre-terrorisme pour Modern Security Consulting Group.
"C'est une façon de dire au gouvernement nigérian: +j'ai des yeux partout, vos techniques d'infiltration ont échoué et vous n'aurez pas ma peau", estime le spécialiste basé à Berlin.
Mais dans un climat de luttes fratricides, Shekau veut aussi "faire passer un message en interne" et "terrifier ses hommes pour éviter toute possibilité de dissensions", ajoute Yan St-Pierre, soulignant que la faction Shekau est "la plus en difficulté".
Fin février, Shekau avait ainsi diffusé un enregistrement sonore dans lequel il annonçait avoir tué l'un de ses principaux lieutenants, accusé de comploter contre lui.
Mis sur la touche par le groupe État islamique
La qualité des vidéos de Boko Haram a beaucoup évolué depuis les débuts de l'insurrection il y a huit ans, avec des images moins granuleuses, un meilleur son, et des techniques de production et de montage qui rivaliseraient presque avec celles de l'EI.
Cette nouvelle vidéo affiche toutefois le logo de la faction Shekau et n'a pas été diffusée par Amaq, l'agence de propagande de l'EI, mais par une chaîne Youtube régulièrement utilisée par le réseau Shekau.
Ce dernier avait prêté allégeance à l'EI en mars 2015 avant d'être écarté l'an dernier au profit de la faction dirigée par Abou Mosab Al Barnaoui, le fils du fondateur de Boko Haram, désigné pour remplacer Shekau à la tête de "l'Etat Islamique d'Afrique de l'Ouest".
Abubakar Shekau a rejeté ce changement de leadership, affirmant rester à la tête du groupe et n'a jamais cessé de revendiquer ses liens avec les dirigeants de l'EI, ni renoncé officiellement à son affiliation, rappellent les spécialistes.
Cette nouvelle vidéo "pourrait indiquer que le groupe (de Shekau) a encore l'espoir d'établir une sorte de relation officielle" avec l'EI, explique Omar Mahmood, chercheur pour l'Institute for Security Studies (ISS) à Pretoria.
Mais elle peut aussi être "simplement inspirée des propagandes de l'EI et d'autres mouvements jihadistes, et copie ce qui semble bien marcher".
"C'est presque devenu le credo automatique de tous les groupes jihadistes, de montrer qu'ils sont capables de faire ce que l'EI fait", note pour sa part Yan St-Pierre.
Boko Haram, groupe radical sunnite, a pris les armes en 2009 pour établir un califat dans le nord-est du Nigeria, étendant au fil des ans son insurrection dans les pays voisins du lac Tchad - Cameroun, Tchad, Niger.
Les succès militaires remportés par l'armée nigériane et la force multinationale des armées de la région ont permis d'affaiblir la rébellion et de chasser les combattants des territoires dont ils s'étaient emparés.
Mais les attaques et les attentats-suicide dans le Nord-Est continuent, avec une nette recrudescence depuis plusieurs mois.
Avec AFP