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Une campagne surréaliste et une présidentielle imprévisible au Brésil


Les partisans de l’ancien président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, lors d’une manifestation devant le tribunal électoral de Brasilia, le 31 août 2018.
Les partisans de l’ancien président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, lors d’une manifestation devant le tribunal électoral de Brasilia, le 31 août 2018.

A un mois de la présidentielle au Brésil, la campagne peut déjà figurer dans les annales comme la plus surréaliste et l'élection comme la plus imprévisible des temps modernes.

Jusqu'à la semaine dernière, plus de la moitié des 147 millions d'électeurs étaient prêts à se jeter soit dans les bras du prisonnier le plus célèbre du pays, l'ancien président de gauche Lula incarcéré pour corruption, soit dans ceux de l'ex-militaire d'extrême droite Jair Bolsonaro, connu pour ses dérapages racistes, misogynes et homophobes.

Signe que le Brésil va mal.

Violence incontrôlable, corruption endémique, chômage, crise budgétaire et impopularité record du président Michel Temer: les Brésiliens sont usés. Près de 30% de l'électorat se dit indécis. Les marchés sont nerveux, le réal baisse.

Le Tribunal supérieur électoral (TSE) vient de déclarer Luiz Inacio Lula da Silva inéligible à la présidentielle des 7 et 28 octobre. Situation ubuesque en soi: il aurait été quasiment assuré de devenir président une troisième fois.

Mais la disqualification du chef incontesté de la gauche brésilienne, loin de clarifier la situation, a créé un nouvel imbroglio.

Lula va en appeler à l'ONU et à la Cour suprême. "Légalement il y a encore une possibilité qu'il puisse se présenter", dit Michael Mohallem, analyste à la Fondation Getulio Vargas, pour qui "cette élection ne ressemble à aucune autre".

"La stratégie de tous les autres candidats dépend de Lula. C'est lui la clé de l'élection", ajoute-t-il.

Le Brésil est donc plongé dans l'inconnu, avec de surcroît une campagne très courte, car réduite de 90 à 45 jours après une réforme électorale.

Autre fait inédit, en raison du feuilleton à rebondissement de la candidature de Lula, "le pouvoir judiciaire a joué, comme jamais auparavant, un rôle central" dans l'élection, souligne M. Mohallem, qui se demande si "en démocratie, ce n'est pas plutôt le peuple qui devrait avoir le dernier mot".

Si Lula est définitivement hors course, c'est l'ex-capitaine Jair Bolsonaro, défenseur de l'usage de la torture pendant la dictature (1964-85), qui est quasiment assuré d'être au second tour.

"C'est un autre aspect surréaliste de cette campagne", dit David Fleischer, professeur de sciences politiques de l'Université de Brasilia. Le Brésil a connu "21 ans de régime militaire et la plupart de ceux qui soutiennent Bolsonaro ont moins de 35 ans et sont nés après la dictature".

Le lampadaire de Lula

Autre bizarrerie, son Parti social libéral (PSL) n'ayant que neuf députés, M. Bolsonaro a beau avoir 8,5 millions d'abonnés sur les réseaux sociaux, il ne dispose à la télévision que d'un temps d'antenne de ... huit secondes.

Au premier spot de campagne, il a juste pu dire: "Nous défendons la famille et la patrie".

Ils sont quatre candidats à jouer des coudes pour figurer au second tour contre lui.

L'état-major de Geraldo Alckmin, du PSDB (centre droit), espère que l'ex-gouverneur pro-marché de Sao Paulo aura dans deux semaines décollé dans les sondages (7% actuellement), grâce à ses plus de cinq minutes de spots télévisés.

L'écologiste Marina Silva et le candidat de centre gauche Ciro Gomes devront faire une excellente campagne, ce qui n'a pas été le cas jusqu'à présent.

Enfin, le Parti des Travailleurs (PT) de Lula a choisi une voie étroite -- suicidaire, disent certains -- en se battant "jusqu'au bout" pour la candidature de son champion, ne nommant pas son substitut, qui aurait pu commencer à faire campagne.

La notoriété du probable joker, Fernando Haddad, colistier de Lula comme vice-président, ne dépasse guère les limites de Sao Paulo dont il fut le maire.

Son nom est si peu connu que les Brésiliens le déforment souvent en "Andrade". Il pourrait gagner en visibilité, mais pour de mauvaises raisons: lundi, il a été mis en accusation pour corruption.

M. Haddad s'est dit modestement prêt à être "le lampadaire" de Lula, en référence à l'expression qui veut que le charisme de l'ex-président "permettrait de faire élire même un lampadaire".

Reste qu'il sera difficile pour un "lampadaire" qui tourne autour de 4% des intentions de vote de briller. Même si le PT s'efforce désormais de montrer dans ses spots que la relation Lula-Haddad est aussi ancienne que nourrie.

Dernière étrangeté: Lula, l'exclu, aura bénéficié d'une couverture médiatique exceptionnelle. Télévisions, radios, journaux et bien sûr réseaux sociaux se sont passionnés pour la saga de sa candidature.

Avec AFP

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