Mon premier est soupçonné d'avoir bénéficié de pots de vin. Mon second de dissimuler un compte à l'étranger. Mon troisième d'avoir tenté d'aider un détenu à s'enfuir. Escrocs, mafieux? Non, trois des principaux sénateurs du Brésil.
Les sénateurs brésiliens sont appelés, à partir de mercredi à se prononcer sur l'ouverture du procès de destitution de la présidente Dilma Mme Rousseff, pour maquillage des comptes publics.
Selon toute vraisemblance, Mme Rousseff devrait être écartée du pouvoir en attendant, sous six mois, le vote final des sénateurs sur sa destitution.
Selon l'ONG Transparency Brésil, 61% des 81 sénateurs brésiliens qui vont instruire le procès en destitution de la présidente Dilma Rousseff ont déjà été condamnés ou accusés de délits allant de la corruption au sein du géant public pétrolier Petrobras à de simples participations à des combats de coqs interdits.
"Le Sénat est le reflet de la politique brésilienne", résume pour l'AFP Sylvio Costa, fondateur du site Congresso em Foco. "Nous avons un système politique complètement pourri".
Le président du Sénat, grand chef d'orchestre de la procédure de destitution, fait partie de ces 61%.
Renan Calheiros est soupçonné d'avoir touché des pots-de-vin du réseau de corruption monté au sein de Petrobras, qui a coûté plus de deux milliards de dollars au groupe étatique pétrolier.
Mais comme beaucoup au sein de l'élite politique, M. Calheiros est passé maître en l'art d'échapper à toute condamnation.
Il a survécu en 2013 à une affaire embarrassante: l'utilisation d'un avion de l'armée de l'air, de Brasilia à Recife, pour se faire faire une greffe de cheveux.
Quelques années plus tôt, il avait su rebondir après des accusations selon lesquelles il aurait fait payer par un lobbyiste une pension alimentaire à une maîtresse enceinte. Ce scandale vaudevillesque lui avait coûté à l'époque la présidence du Sénat. Mais il a su rebondir.
- Destitué puis juge -
Le chef de l'opposition Aecio Neves est un autre sénateur qui pourrait bientôt avoir des ennuis judiciaires. Candidat malheureux contre Dilma Rousseff en 2014, ce leader du principal parti d'opposition (PSDB, centre-droit), rêve encore de se présenter à la présidentielle de 2018. Mais il est visé depuis la semaine dernière par une demande d'enquête du procureur du Brésil portant sur des soupçons de pots-de-vin et un compte bancaire secret familial au Liechtenstein.
Delcidio Amaral dirigeait le groupe sénatorial du Parti des Travailleurs (PT, gauche de Dilma Rousseff), jusqu'à son arrestation en novembre dans l'enquête Petrobras.
Il a été piégé en flagrant délit d'achat du silence d'un ancien directeur de Petrobras en prison. Il se faisait fort d'influer pour sa libération puis d'orchestrer sa fuite par avion en Espagne, avec une confortable rente mensuelle.
Incarcéré à son tour, M. Amaral a décidé de collaborer avec la justice en échange d'une remise de peine. Il a fait des révélations explosives, mettant en cause l'ex-président Lula, la présidente Rousseff pour tentative d'entrave à l'enquête, le vice-président Temer, son collègue sénateur Aecio Neves, etc... Son mandat devait être suspendu lundi.
La succession de Mme Rousseff devient un casse-tête dans la crise brésilienne.
Le vice-président Michel Temer est appelé à la remplacer par intérim jusqu'à son jugement définitif, et en cas de destitution, jusqu'à la fin du mandat en 2018.
Malgré les accusations du sénateur Amaral et d'autres inculpés, il échappe, pour le moment, à l'enquête Petrobras, faute d'indices suffisants selon le procureur du Brésil.
Mais un tribunal de Sao Paulo l'a condamné la semaine dernière à une amende pour infraction à la loi sur le financement de campagnes électorales. Il risque une inéligibilité de huit ans, présidentielle de 2018 inclue.
Le suivant dans la ligne de succession est Eduardo Cunha, président de la Chambre des députés, en instance de jugement pour corruption dans le dossier Petrobras. Mais il a été suspendu jeudi de ses fonctions pour obstruction à l'enquête.
Reste donc M. Calheiros. Mais qu'arrivera-t-il si le président du Sénat est à son tour inculpé ou condamné?
Ironie de l'histoire, l'un des sénateurs appelés à se prononcer sur la destitution de Mme Rousseff n'est autre que l'ex-président Fernando Collor de Mello, lui-même destitué en 1992, pour corruption.
M. Color a fini par revenir en politique... et par être rattrapé par l'enquête Petrobras. La police fédérale a confisqué à son domicile une Ferrari, une Porsche et une Lamborghini.
Avec AFP