Les autorités burundaises, qui ne cessent de dénoncer l'immixtion de la communauté internationale dans la crise politique qui dure depuis huit mois, ont opposé un non ferme à l'initiative de l'UA. Celle-ci avait avalisé vendredi la création d'une mission militaire forte de 5.000 hommes afin d'enrayer le cycle des violences.
"Si les troupes de l'UA venaient sans l'aval du gouvernement, il s'agirait alors d'une force d'invasion et d'occupation" et le gouvernement burundais se réserverait "le droit d'agir en conséquences", a déclaré à l'AFP Jean-Claude Karerwa, porte-parole adjoint du président Pierre Nkurunziza.
Le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l'UA, qui a autorisé cette Mission africaine de prévention et de protection au Burundi (Maprobu), a donné quatre jours à Bujumbura pour accepter ce déploiement, faute de quoi le bloc panafricain prendrait des "mesures supplémentaires" pour s'assurer qu'il ait lieu.
"La résolution de l'UA ne peut pas s'appliquer automatiquement (car) il faut d'abord l'aval du Conseil de sécurité de l'ONU", a souligné M. Karerwa.
Le Conseil de sécurité avait indiqué samedi avoir "pris note avec intérêt" de la création de cette mission, tout en condamnant "toute forme de violence, quels que soient ses auteurs, et la persistance de l'impunité ainsi que les déclarations incendiaires des dirigeants politiques burundais".
La Maprobu aura pour objectif d'éviter "la détérioration de la situation sécuritaire", de contribuer "à la protection des populations civiles en danger immédiat", d'aider à créer les "conditions nécessaires" à la réussite d'un dialogue inter-burundais, et de faciliter "la mise en oeuvre de tout accord" auquel parviendraient les différentes parties.
'Main tendue'
Le CPS n'a pas précisé quels pays fourniraient des troupes à la Maprobu. Mais il a demandé à l'UA d'ouvrir des discussions en ce sens avec les pays contribuant à la Force est-africaine en attente (EASF), une composante régionale de la Force africaine en attente (FAA).
Or le Burundi fait partie des pays contributeurs à l'EASF, et participe également aux missions de la paix de l'ONU en Somalie (Amisom) et en République centrafricaine (Minusca).
"L'UA ne peut pas imposer des troupes de maintien de la paix au Burundi, alors que le Burundi lui-même participe à de telles missions et qu'il a d'ailleurs des forces en attente pour d'autres missions", a estimé M. Karerwa.
"Le gouvernement du Burundi est capable d'assurer la sécurité et la protection de tous ces citoyens et de toute personne vivant sur son territoire", a-t-il ajouté.
Le porte-parole présidentiel a toutefois semblé laisser une chance à la diplomatie. "Le Burundi garde toujours une main tendue vers la communauté internationale", a-t-il affirmé, en indiquant que les deux chambres du Parlement se réuniraient lundi en Congrès extraordinaire pour débattre de la décision de l'UA.
L'annonce de l'UA est intervenue une semaine après l'attaque le 11 décembre de trois camps militaires à Bujumbura et en province, les affrontements les plus intenses au Burundi depuis une tentative de coup d'Etat militaire en mai.
Le Burundi est plongé dans une profonde crise politique depuis la candidature fin avril du président Pierre Nkurunziza à un troisième mandat, jugé par ses adversaires contraire à la Constitution et à l'Accord d'Arusha ayant permis la fin de la guerre civile (1993-2006) entre l'armée dominée alors par la minorité tutsi et des rébellions hutu.
La mise en échec du coup d'Etat, la répression brutale de six semaines de manifestations quasi-quotidiennes à Bujumbura à la mi-juin et la réélection de M. Nkurunziza lors d'un scrutin controversé à la mi-juillet n'ont pas empêché l'intensification des violences, désormais armées.