"Les autorités militaires du Burkina Faso utilisent de façon abusive une loi d’urgence afin d’enrôler illégalement des magistrats – procureurs et juges – qui ont lancé des procédures judiciaires à l’encontre de partisans de la junte", a affirmé HRW dans un communiqué mercredi.
"Entre le 9 et le 12 août, les forces de sécurité burkinabè ont notifié par téléphone au moins sept magistrats, dont quatre procureurs, deux procureurs adjoints et un juge d’instruction, au sujet de leur conscription pour participer aux opérations de sécurité du gouvernement contre les groupes armés islamistes à Kaya, dans la province du Sanmatenga, du 14 août au 13 novembre", à environ 100 km de Ouagadougou, poursuit l'ONG.
L'intersyndicale des magistrats du Burkina avait évoqué la semaine dernière une possibilité de renouvellement de cette réquisition. "Le 14 août, six magistrats se sont présentés à une base militaire de Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, en réponse à leur notification, et sont portés disparus depuis, selon deux sources judiciaires", a ajouté HRW.
Chercheuse sur le Sahel à HRW, Ilaria Allegrozzi appelle les autorités à "immédiatement révoquer" ces réquisitions, qualifiées par l'intersyndicale d'"actes d'humiliation et d'intimidation". Elles ont eu lieu "sur fond de répression croissante de la junte burkinabè contre les dissidents", a souligné HRW.
Des "ordres de réquisition"
Selon une ordonnance du tribunal administratif de Bobo-Dioulasso du 13 août, les "ordres de réquisition" du procureur et de son substitut de la capitale burkinabé sont considérés comme "illégaux". Jeudi, à l'appel de la Coordination nationale des associations de veilles citoyennes (CNAVC), quelques partisans du régime militaire se sont rassemblés place de Nation à Ouagadougou pour "protester contre toute opposition à l’envoi de magistrats au front" et "exiger une réforme du système judiciaire".
Arrivé au pouvoir par un coup d’État le 30 septembre 2022, le capitaine Ibrahim Traoré a signé en avril 2023 un décret de "mobilisation générale" pour lutter contre les jihadistes qui ont fait plus de 20.000 morts depuis 2015. Depuis lors, des voix se sont élevées pour dénoncer son usage abusif.
Par ailleurs, plusieurs cas d'enlèvements de voix considérées comme hostiles au régime militaire ont été rapportés cette année à Ouagadougou et dans d'autres localités du pays.
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