L'Union africaine a prôné samedi en des termes plutôt vagues un "dialogue inclusif" pour sortir le Burundi de la crise et s'est engagée à muscler sa mission d'observateurs des droits de l'Homme et d'experts militaires dans le pays, à l'issue d'une visite de deux jours à Bujumbura.
"L'UA va déployer 100 observateurs des droits de l'Homme et 100 experts militaires pour surveiller la situation", a annoncé samedi le président sud-africain Jacob Zuma, chef de la délégation dépêchée par l'UA à Bujumbura.
Le Burundi est plongé depuis 10 mois dans une crise politique profonde, née de la candidature du président Pierre Nkurunziza à un troisième mandat, qu'il a obtenu en juillet.
Les violences, désormais armées, ont déjà fait plus de 400 morts et poussé plus de 240.000 personnes à quitter le pays. Des organisations de défense des droits de l'Homme ont dénoncé l'existence de fosses communes, de nombreux cas d'exécutions sommaires et d'assassinats ciblés.
La délégation de l'UA "a exprimé son inquiétude face aux niveaux de violence, aux pertes de vies humaines et à l'instabilité politique dans laquelle se trouve le pays", selon le communiqué publié samedi sur le site de la présidence sud-africaine.
"Nous pensons fermement que la solution aux problèmes politiques du Burundi ne peut être trouvée que par le biais d'un engagement inclusif et pacifique" des parties.
La délégation emmenée par M. Zuma et composée des présidents mauritanien, sénégalais, gabonais et du Premier ministre éthiopien, s'est rendue jeudi et vendredi à Bujumbura pour trouver une issue pacifique à la crise, après que l'UA a renoncé fin janvier à déployer dans ce petit pays des Grands Lacs une force d'interposition africaine de 5.000 hommes.
Des interlocuteurs "pacifiques"
Selon l'UA, le président ougandais Yoweri Museveni, médiateur dans cette crise, "organisera un dialogue inclusif le plus tôt possible auquel participeront tous les acteurs importants" de la crise.
Le président ougandais est actuellement accaparé par la gestion de sa réélection contestée, au terme d'un scrutin critiqué par la communauté internationale.
De plus, la formulation plutôt vague du communiqué de l'UA ne tranche pas la question cruciale: qui exactement sera invité à la table des pourparlers?
Samedi, dans un communiqué, la présidence burundaise a rappelé sa position sur la question: oui au dialogue interburundais, mais seulement avec des interlocuteurs "pacifiques", excluant de facto la principale plateforme d'opposition, le Cnared, accusée par Bujumbura d'être l'instigatrice de la contestation du 3e mandat du président et d'avoir participé à une tentative de coup d'Etat en mai 2015.
Quelques jours plus tôt, Bujumbura avait tenu le même discours au secrétaire général des Nations unies Ban ki-Moon, venu également tenter de relancer des pourparlers.
Pour ces mêmes raisons, les précédentes tentatives de pourparlers, déjà sous l'égide de l'Ouganda, avaient échoué.
Par ailleurs, affirme la présidence burundaise, les chefs d'Etat ont convenu d'augmenter le nombre de personnels de l'UA "non armés" (observateurs et experts militaires) déployés dans le pays, "par la nécessité de surveiller la frontière entre le Burundi et le Rwanda".
Les relations avec le Rwanda voisin se sont envenimées au point de devenir délétères ces dernières semaines. Bujumbura accuse Kigali d'entraîner sur son sol des réfugiés burundais pour déstabiliser le régime du président Nkurunziza.
Le Rwanda rejette catégoriquement ces accusations - également portées par un groupe d'experts de l'ONU puis reprises par les Etats-Unis - et rappelle à qui veut l'entendre que les causes de la crise sont internes au Burundi.
Lors de sa visite à Bujumbura, la délégation de l'UA a notamment rencontré le président Nkurunziza, deux des rares chefs de partis d'opposition à ne pas avoir fui le pays, des membres de la société civile, des autorités religieuses et un ancien président.
La grande majorité des responsables de l'opposition et de la société civile indépendante est actuellement en exil.
Jeudi, au sortir de son entretien avec la délégation, le président de l'aile d'opposition du parti Uprona, Charles Nditije, avait fait part de sa déception: "nous avons eu l'impression que ces chefs d'Etat sont venus conforter Nkurunziza dans son troisième mandat".
AFP