Sur une position des Forces démocratiques syriennes (FDS), près de Baghouz, une équipe de l'AFP a vu passer le convoi à sa sortie de ce village, où l'EI est retranché dans une poche d'un demi-kilomètre carré.
A bord des véhicules se trouvent des femmes en niqab noir et des enfants aux vêtements couverts de poussière qui dévorent parfois un bout de pain. Le vent fait voler les cheveux des fillettes, et soulève un pan de niqab, dévoilant une robe bleue.
"Il y a un malade avec nous", lance un vieillard. Certains hommes ont le visage dissimulé par une écharpe, d'autres cachent leurs traits avec leurs mains devant les caméras des journalistes. Interrogé sur la situation dans la poche djihadiste, l'un d'eux lâche un laconique "pas bien".
A Baghouz, les combattants de l'EI ne tiennent plus que quelques pâtés de maisons, où ils sont retranchés dans des tunnels, au milieu d'un océan de mines.
Mais des civils y sont toujours présents, principalement des femmes et des enfants de djihadistes, que les combattants kurdes et arabes des FDS, soutenus par la coalition internationale emmenée par Washington, cherchent à faire sortir.
Adnane Afrine, un porte-parole des FDS, estime à plus de 2.000 le nombre de personnes encore dans le réduit, sans préciser la proportion de civils.
"Nous attendons la fin des évacuations de civils pour donner l'assaut", a indiqué un autre porte-parole des FDS, Mustafa Bali, espérant que ces sorties se termineraient "aujourd'hui ou demain".
- "Plusieurs Françaises" -
Après une montée en puissance fulgurante en 2014, et la proclamation d'un "califat" sur les régions et les grandes villes conquises en Syrie et en Irak, l'EI a vu son territoire se réduire comme peau de chagrin.
Vendredi, l'équipe de l'AFP a pu entendre des tirs d'artillerie sporadiques, tandis que de la fumée noire s'élevait aux environs de Baghouz.
A terme, les djihadistes et leurs proches qui refuseraient d'être évacués auront pour seul choix "la guerre ou la capitulation", a souligné M. Afrine.
Mercredi déjà, près de 3.000 personnes étaient sorties de la poche de l'EI. Elles ont été transportées vers une zone où les FDS les soumettent à des fouilles et des interrogatoires poussés, afin d'identifier les jihadistes potentiels. Ensuite elles sont conduites vers des camps dans le nord-est du pays.
La "majorité" de ces personnes étaient des étrangers, a souligné M. Bali. "Principalement des Irakiens, des nationalités issues de l'ex-bloc soviétique, en plus d'Occidentaux", a-t-il précisé.
Depuis début décembre, près de 44.000 personnes, principalement des familles de djihadistes, ont fui le secteur, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
"Plusieurs Françaises", mais aussi des femmes venues d'Australie, d'Allemagne et de Russie, se trouvent parmi ceux qui sortent, a confirmé à l'AFP David Eubank, le chef de l'ONG américaine Free Burma Rangers qui leur apporte premiers soins et nourriture.
De son côté, l'ONG Human Rights Watch (HRW) a appelé à protéger ces civils.
Citant des témoignages, HRW évoque des conditions de vie "terribles" ces derniers mois dans l'ultime réduit, "un manque de nourriture et d'aide obligeant les habitants à manger de l'herbe et des feuilles pour survivre".
- Troupes américaines -
La question des étrangers de l'EI est un casse-tête tant pour les autorités semi-autonomes kurdes, qui réclament leur rapatriement, que pour les Occidentaux, qui rechignent globalement à les reprendre.
Deux cas emblématiques illustrent la complexité du dossier: Hoda Muthana, dont la nationalité américaine est contestée par les Etats-Unis, et Shamima Begum, déchue de sa nationalité britannique par Londres.
Déclenchée en 2011, le conflit en Syrie s'est transformé en guerre complexe qui a fait plus de 360.000 morts.
Si l'EI est sur le point de perdre son ultime bastion syrien, ses djihadistes sont disséminés dans le désert central de la Badiya et mènent des attaques dans les régions des FDS.
Avec la fin du "califat", se profile à l'horizon un désengagement des quelques 2.000 soldats américains déployés en Syrie pour épauler les FDS contre les djihadistes.
Ce retrait annoncé par M. Trump affaiblirait les forces kurdes, menacées par une offensive du voisin turc.
Mais Washington a annoncé jeudi le maintien "pour un certain temps" de 200 soldats, "un petit groupe de maintien de la paix", a expliqué la porte-parole de l'exécutif américain, Sarah Sanders.
Abdel Karim Omar, chargé des Affaires étrangères au sein des autorités kurdes, a salué cette décision qui permet notamment de "protéger" les territoires de la minorité des "menaces turques".