Les autorités ukrainiennes reprochent à Ioulia Samoïlova un concert qu'elle a donné en juin 2015 en Crimée, tout juste un an après l'annexion de cette péninsule ukrainienne par la Russie.
"Les services de sécurité de l'Ukraine (SBU) ont interdit d'entrée Ioulia Samoïlova pour trois ans. La décision vient d'être prise", a déclaré au téléphone à l'AFP une porte-parole du SBU, Olena Gitlyanska.
Cette "décision a été prise en raison d'informations reçues sur sa violation de la loi ukrainienne", a ajouté cette porte-parole. Sans surprise, la Russie a aussitôt protesté.
"Les autorités ukrainiennes ont une fois de plus confirmé l'image de leur régime, contaminé par une paranoïa russophobe et des complexes nationalistes", a déclaré le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué, ajoutant que Kiev avait ainsi démontré "son infériorité politique et sa faiblesse".
Le vice-ministre russe des Affaires étrangères Grigori Karassine, cité par l'agence de presse Interfax, a quant à lui dénoncé un "nouvel acte révoltant, cynique et inhumain des autorités de Kiev".
Plusieurs députés russes ont appelé au boycott de l'Eurovision, un concours regardé par 200 millions de téléspectateurs dans le monde et très suivi en Russie.
"Nous ne devons en aucun cas prendre une mesure de rétorsion, comme interdire aux chanteurs ukrainiens d'entrer en Russie. En revanche boycotter l'Eurovision, qui aura lieu dans un pays nationaliste, voilà ce que doit être notre démarche", a déclaré à Interfax le député Igor Morozov.
Le chef de la commission des Affaires étrangères à la Douma (chambre basse du Parlement russe), Léonid Sloutski, a pour sa part déclaré à la télévision russe que Moscou ferait appel aux hommes politiques occidentaux "pour demander à Kiev de revenir sur cette décision discriminatoire".
Organisatrice de l'événement, l'Union européenne de radio-télévision (UER) s'est dite "très déçue" par la décision de l'Ukraine qui "va à l'encontre de l'esprit du concours".
"Nous continuerons le dialogue avec les autorités ukrainiennes avec comme objectif d'arriver à ce que tous les artistes puissent se produire au 62e concours de l'Eurovision à Kiev", a ajouté l'UER.
La chaîne de télévision Perviy Kanal, qui diffuse l'Eurovision en Russie, a pour sa part déploré dans un communiqué transmis à Interfax que l'Ukraine n'ait "même pas eu le bon sens d'utiliser cette occasion pour essayer d'avoir l'air d'un pays civilisé".
Ioulia Samoïlova participera à l'édition 2018 de l'Eurovision si elle ne peut pas se rendre à Kiev cette année, a déclaré la chaîne à l'agence de presse TASS.
Ioulia Samoïlova, une femme de 27 ans en fauteuil roulant, avait été sélectionnée le 12 mars pour interpréter à l'Eurovision une ballade romantique intitulée "Une flamme brûle" mais cette sélection avait été immédiatement dénoncée par certains Ukrainiens, la chanteuse ayant participé en 2015 à un concert en Crimée.
Pays hôte du concours grâce à sa victoire à l'édition 2016, l'Ukraine avait ensuite averti qu'elle s'apprêtait à interdire à Ioulia Samoïlova l'accès à son territoire, dénonçant une "provocation" russe.
Sur sa page Facebook, le député ukrainien Oleksandr Brygynets a ainsi reproché à la Russie de "se cacher derrière une personne handicapée". Selon ce parlementaire, Moscou espérait que Kiev n'aurait "pas le cran d'interdire d'entrée une personne en fauteuil roulant".
En octobre, le SBU avait déjà interdit 140 artistes russes d'entrée en Ukraine pour leur soutien à l'annexion de la Crimée ou à l'insurrection prorusse dans l'est de son territoire, mais Ioulia Samoïlova n'était pas sur cette liste.
Révélée par une émission télévisée russe à laquelle elle avait participé, Ioulia Samoïlova s'était ensuite fait connaître en chantant à la cérémonie d'ouverture des Jeux paralympiques de Sotchi, en 2014.
La jeune femme se déplace en fauteuil roulant depuis son enfance, à la suite d'une mauvaise réaction à un vaccin. Le concours de l'Eurovision est régulièrement agité par des tensions politiques. La Russie et l'Ukraine sont pour leur part à couteaux tirés depuis l'annexion par Moscou de la Crimée, suivie par un conflit armé dans l'est de l'Ukraine.
Avec AFP